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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sur cette Bible que vous dressez comme une vertu.
    Son œil un instant se fit cruel. Le serpent n’était qu’endormi, pensai-je, mais j’étais désormais maître du jeu et comptais bien utiliser ce providentiel avantage.
    – Jurez par Dieu et tous les saints qu’à dater de cette heure vous vous tiendrez loin d’Étienne de Blois et de ses manigances.
    Elle objecta, un brin de colère dans la voix :
    – Je n’ai rien en commun avec cet homme !
    Je la fis taire d’un geste las :
    – Il suffit, Béatrice ! Gardez cela pour le roi ! Je sais, quant à moi, la noirceur de vos vices et combien cet homme vous attire par le démon qui est en lui. Si Louis venait à l’apprendre, il vous chasserait à jamais de son cœur, et il me semble que son amour prévaut sur vos bas instincts.
    Elle me poignarda d’un regard de haine. Comment avais-je pu me laisser endormir par sa souffrance, pensai-je. Le loup ne devient agneau que pour pénétrer à l’intérieur du troupeau…
    Elle se leva prestement et s’alla servir une rasade d’eau-de-vie de rose qui reposait dans un flacon de verre taillé aux reflets chatoyants. Un autre de ses vices, me dis-je en souriant intérieurement. Elle avala d’un trait son verre plein, puis me fit face, menton relevé en signe de défi.
    – Soit ! Je jure sur le Très Saint Livre de ne plus intriguer d’aucune sorte avec cet homme. Cela vous convient-il ?
    Je me levai à mon tour et lui souris de connivence. Mais je ne reçus en réponse qu’un visage fermé.
    – Je ne vous aime pas, Béatrice, cependant je ne ferai rien pour vous nuire, si de votre côté vous cessez de vous acharner à ma perte. Considérons donc que nous ouvrons une trêve. Demain après l’office, Aliénor doit rejoindre Raymond dans le pavillon de chasse de celui-ci. Le roi doit rencontrer, quant à lui, un envoyé du comte de Toulouse qui, paraît-il, rejoint nos troupes pour poursuivre la croisade. C’est de ce répit dont vont profiter les deux amants. Il serait bon que Louis, et Louis seul, les surprenne et mette un terme à cette relation. Nul doute qu’après avoir vu sa femme en aussi galante posture, Louis ne jette ses remords au panier et ne vous prenne dans sa couche… C’est bien là ce que vous souhaitez, je crois, ironisai-je.
    – Je dois vous remercier, je suppose, me lança-t-elle d’une voix aiguë qui traduisait son agacement.
    – Inutile. Nous savons, vous et moi, que nous y gagnons toutes deux.
    Comme je m’avançais déjà vers la porte, elle me cingla d’un légitime : « Moi qui vous croyais si proche de la reine ! » qui me fît mal.
    Sans me retourner et parce qu’elle avait atteint un point sensible, je murmurai simplement :
    – C’est pour cette raison que j’agis ainsi. Mais ce sont des choses qui vous dépassent.
    Sur ces derniers mots, je sortis de la pièce. Quelque chose à l’intérieur de moi me donnait la nausée.
    – Rhabillez-vous sur-le-champ et suivez-moi, ma dame !
    Aliénor remonta sur ses seins la couverture de laine que ses ébats avec Raymond avaient rejetée au pied du lit. Elle était blême. Son amant affichait un regard gêné, mais nullement offusqué. Que Louis les ait surpris ainsi l’ennuyait, c’était évident, mais en même temps le soulageait. Pour autant qu’il aimât Aliénor de toute son âme, il savait que cette folie n’amènerait rien de bon dans son entourage, surtout depuis qu’Aliénor manifestait le désir de rester pour gouverner à ses côtés. Louis lui faisait désormais horreur, et à Antioche elle se sentait chez elle. De plus, Constance, courroucée par ces couche-ries, avait diplomatiquement fait ses bagages et emmené ses enfants dans sa famille. Intelligente, elle avait jugé sans doute que c’était une passade dont il valait mieux taire les éclats. Raymond avait les mains libres, et Aliénor s’en était trouvée ragaillardie.
    Et voilà que Louis était là, dressé devant elle dans tout son orgueil bafoué, même pas rouge de colère, si calme qu’elle sentait monter en elle la peur, cette même peur qui l’avait prise après qu’il l’eut fouettée au sang dans sa tente. Elle se serra un peu plus contre Raymond, espérant qu’il allait lui faire un rempart de son corps et de son amour, mais celui-ci s’écarta mollement.
    – Obéissez, ma dame ! Votre époux est le roi de France.
    Elle le dévisagea sans y croire. Ainsi Raymond la rejetait après l’avoir couverte de

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