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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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jusqu’à nous en place d’un serviteur ?
    Louis la dévisagea comme si soudain lui apparaissait l’incongruité de sa démarche. Fallait-il qu’il soit troublé pour n’avoir rien perçu d’étrange dans son comportement ! Il se força à sourire et, me prenant le coude pour m’entraîner vers le corridor, répondit d’un ton qu’il voulut léger :
    – Certes, non ! Elle se plaint simplement d’une affreuse migraine et ne supporte en cet état que la compagnie de dame Loanna pour l’aider à faire ses malles. De fait, je tenais à lui donner personnellement quelques consignes.
    Il s’enlisait. Je coupai court :
    – Majesté, vous êtes le roi.
    Cela seul justifiait tout acte et verbe. Aussitôt les museaux s’abaissèrent sur les rouets et les bobines. S’effaçant d’un geste de la main pour me laisser courtoisement passer dans l’embrasure de la porte, Louis me lança un regard reconnaissant.
    Quelques minutes plus tard, j’étais dans un cabinet que Raymond avait mis à sa disposition, afin qu’il puisse s’entretenir à loisir avec ses féaux. Raymond avait beau être le seigneur d’Antioche, il lui restait au cœur les serments d’allégeance de sa jeunesse, de sorte qu’il se sentait encore aujourd’hui obligé envers celui qui avait été son roi. D’autant plus, sans doute, qu’il se sentait coupable de son amour pour la reine. Louis me parla sans détour, comme si ce secret lui brûlait la langue autant que l’esprit :
    – Je vous sais gré de vos informations. Aliénor est désormais sous bonne garde dans sa chambre et n’en sortira que pour prendre la route dès demain. Vous n’êtes pas sans savoir que le conseil hier soir a décidé de l’issue de la croisade. Raymond s’est obstiné et la reine avait choisi de le suivre avec ses maudits Aquitains. Elle a même été jusqu’à prétendre que notre mariage était nul selon les lois canoniques. Grâce à vous, j’ai pu retourner la situation et prétendre qu’avant le départ de l’ost royal pour Jérusalem la reine aurait retrouvé ses sens et choisi de suivre son roi. Si je n’avais été certain de la surprendre avec Raymond, je n’aurais pas été aussi affirmatif. Je sais désormais ce que je vous dois. La reine repartira contrainte et forcée avec l’ost. Je compte sur vous pour la ramener à la raison. Il faut qu’elle convainque ses féaux de se rallier à elle. Il est hors de question qu’une stupide amourette ampute la bannière du Christ d’une partie de ses armes, déjà affaiblie par nos pertes.
    – Il en sera fait selon vos désirs, Majesté. Je peux vous assurer que la reine sera docile. J’ai toutefois une faveur à vous demander, la dernière…
    – Je vous écoute, marmonna Louis, considérant sans doute qu’il avait suffisamment pris sur lui pour la journée.
    – Messire de Saldebreuil, votre chambellan, rapporte dans ses écrits le récit de notre périple avec une fidélité qui est tout à son honneur. Pourtant, je pense qu’un voile de pudeur sur ces événements serait plus à propos. Certaines vérités ne sont pas bonnes à écrire, et encore moins à figurer dans l’Histoire, Sire.
    Un large sourire éclaira son visage tendu, tandis que je m’inclinais pour le saluer.
    Il me releva d’une main ferme et me gratifia d’un généreux :
    – Peut-on à ce point se tromper sur ses proches que j’aie tant prêté oreille à ces calomnies vous concernant ? Allez, dame Loanna, et soyez assurée de ma reconnaissance et de ma discrétion.
    Comme je m’y attendais, je trouvai la reine en pleurs. Elle se jeta dans mes bras, secouée de soubresauts et de hoquets. Je patientai jusqu’à ce qu’elle s’apaise, vidée de ses larmes.
    – Là, ma douce, c’est fini. Que croyais-tu donc ? Pouvoir t’installer ici, de façon illégitime ? Devenir la maîtresse attitrée de Raymond ? Qu’aurait fait l’Église, selon toi, devant pareille obstination ? Regarde-moi, Aliénor.
    Elle leva vers moi de grands yeux éplorés, en reniflant. Elle n’était plus qu’une jouvencelle, une toute petite jouvencelle. D’un doigt tendre, j’essuyai une larme sur sa joue.
    – Tu savais dès le premier instant que cela ne pouvait être. Pas davantage qu’hier, Raymond n’a le droit de t’aimer.
    Elle murmura, comme pour se raccrocher à son rêve illusoire :
    – Il avait promis…
    – En sachant combien c’était inutile et parce que l’un et l’autre aviez besoin de

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