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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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la même servitude qu’elle ? Je n’étais moi-même, malgré mon rang, malgré ma condition, qu’une bâtarde de duc placée au service d’une reine pour le bon vouloir d’une autre. Je devais obéir, j’avais été conditionnée à obéir. On m’avait éduquée avec le sentiment du devoir envers l’Angleterre, et je lui appartenais, comme cette fille appartenait à mon service. J’eus brusquement envie de lui faire mal, comme j’avais mal, mais quelque chose me retint : peut-être son sourire tandis qu’elle laçait ma gorge enflée.
    – Serre plus fort, demandai-je simplement.
    – Vous ne devriez pas autant comprimer l’enfant, ma dame, ce n’est pas bon.
    – Occupe-toi de tes affaires.
    Elle ne dit rien, ne cilla même pas, et je m’en voulus aussitôt. Cela faisait tant d’années désormais qu’elle était à mon service, fidèle et attentive, sûre. Elle avait bravé avec moi tous les dangers de notre expédition. Jamais elle n’avait émis la moindre plainte. Jamais elle n’avait formulé la moindre impatience. J’arrêtai ses mains qui achevaient de nouer les lacets, sentant venir les larmes que j’avais cherchées en vain toute la nuit :
    – Pardonne-moi, Camille. Je ne suis pas dans mon état normal ce matin.
    – Je sais, ma dame, répondit-elle en agrandissant encore son sourire. Il faut vous hâter à présent. Sa Sainteté le pape célèbre une messe solennelle en l’honneur des époux royaux, on raconte même qu’il prévoit de bénir une nouvelle fois leurs épousailles afin qu’ils renouvellent l’un et l’autre leurs serments. Alors que tous seront en liesse, que pensera-t-on de votre triste mine ?
    – Tu as raison. Mais personne ne doit deviner que je porte cet enfant. Ne me trahis pas, Camille, implorai-je doucement.
    Elle me lança un regard chargé de reproches.
    – Comment le pourrais-je, ma dame, vous êtes si bonne.
    Elle avait achevé de m’habiller et déjà me contournait pour brosser mes longs cheveux abîmés par le soleil d’Orient. Mais j’avais besoin d’être seule un moment encore.
    – Laisse-moi. Je vais le faire, cela me calmera avant de descendre pour l’office.
    Elle s’inclina respectueusement et referma sans bruit la porte derrière elle. Je me campai devant le miroir poli délicatement enchâssé dans un cadre d’argent et de pierreries. Je nattai mon abondante chevelure en une seule tresse sur le côté, qui m’atteignait le bas-ventre, prenant soin d’y mêler quelques rubans verts, assortis à ma robe de velours.
    Quelques minutes plus tard, alors que je finissais de me farder pour dissiper les affres de ma nuit blanche, Camille reparut pour m’annoncer que Jaufré était derrière ma porte. Je pris une profonde inspiration. Je ne savais que trop ce qu’il voulait : que je renouvelle ma promesse, peut-être même souhaitait-il profiter de la messe de réconciliation pour que l’on annonce publiquement nos fiançailles ?
    – Qu’il entre, dis-je simplement, résignée soudain à mon devoir, encore et toujours.
    Je me levai et, m’appuyant contre la coiffeuse pour garder une contenance, je redressai le menton.
    Il s’inclina en une révérence, puis, lorsque ma chambrière se fut éclipsée, s’approcha pour m’embrasser sur le front. Il avait l’air grave et décidé.
    – Panperd’hu est revenu de Tripoli hier, tu ne l’ignores pas ? Il a su me convaincre d’y retourner avec lui. Un navire part dès l’aube prochaine. J’embarquerai à son bord.
    Cette nouvelle me fit l’effet d’un coup de poignard. Je me laissai tomber sur la chaise, sans forces. Qu’allait-il faire auprès de cette belle Hodierne qui le désirait tant ? S’était-il lassé de moi soudain pour vouloir la rejoindre ? Sans doute s’était-il préparé à mes angoisses, car il vint s’agenouiller devant moi et me prit les mains. Elles étaient glacées.
    – Je t’aime plus que tout au monde, Loanna, et nulle autre n’aura jamais ta place. Mais, le couple royal reformé, je sais que tu ne peux m’épouser encore. Si je reviens avec toi en France, Aliénor insistera pour célébrer nos épousailles ; et, même si cela devait être le plus beau jour de ma vie, pour rien au monde je ne voudrais te contraindre. Je vais demander sur l’heure ta main au roi et je sais qu’il ne me la refusera pas. Tu seras ainsi à l’abri jusqu’à mon retour de tout autre prétendant. Lorsque je reviendrai, je veux croire que le destin

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