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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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affronter Bernard. Car sa réconciliation avec Louis excluait qu’elle continue de le voir, malgré tout son amour pour lui. Il avait fallu faire un choix, Aliénor avait choisi.
    Bernard fut donc exilé une nouvelle fois. Non par le verbe violent du roi de France, mais par les larmes de raison de son amante. Il s’en fut tristement, bien que préparé à cette rupture par la rumeur de la réconciliation qui avait précédé les époux au palais.
     
    Triste retour.
    La vieille Cité nous sembla plus lugubre encore qu’avant notre départ. Terne et sale, ennuyeuse à mourir. Que nous restait-il du faste de Constantinople ou d’Antioche, des murs blancs, des fleurs à profusion et des fruits gorgés de soleil ? Quelques impressions plus ou moins heureuses et de la grisaille partout autour.
    Béatrice avait renouvelé sa requête d’être donnée en épousailles. Ensemble, Louis et Suger lui choisirent un époux parmi ses prétendants : le jeune seigneur de Montmorency, qui portait beau et avait surtout le mérite de figurer parmi les proches du sénéchal de France et donc, à ce titre, de demeurer à la cour. Car ni Suger, qui considérait encore que sa nièce pouvait lui être utile, ni Louis, qui ne parvenait pas à l’oublier, n’avaient eu le cœur de l’éloigner. Ainsi, elle demeurait à nos côtés.
    Je savais qu’elle en voulait à la reine de sa réconciliation avec Louis qui l’avait à jamais écartée de sa couche. Il lui aurait été égal de n’être pas reine de France pourvu que Louis l’aimât malgré tout et la gardât comme maîtresse. Désormais, plus rien n’était possible. Sa rancœur s’étendait désormais au fait qu’elle croyait amèrement que j’étais à l’origine de cette réconciliation.
    Pour couronner le tout, Aliénor était de nouveau enceinte, c’était évident, et je n’eus pas le cœur, portant moi-même l’enfant de Jau-fré, de mettre un terme à sa grossesse. D’autant plus que c’était à n’en pas douter une seconde fille.
    Tout restait à faire.
    Oui, bien triste retour que le nôtre.

9
     
     
    Panperd’hu se tenait devant moi en ce 17 décembre 1149, torturant entre ses mains son bonnet de laine maculé de boue. Il était crotté jusqu’aux oreilles et pourtant n’avait pas voulu attendre d’être présentable pour me venir voir.
    Je le reçus dans le salon de musique, abandonnant Aliénor et ses dames qui jouaient aux dés dans la pièce voisine. Leur rire arrivait jusqu’à nous. Panperd’hu, lui, ne riait pas. Il avait refusé que je l’embrasse tant il était sale, et, au vu de ses yeux tristes, mon bonheur de le retrouver s’était envolé. J’eus peur soudain, peur de son embarras, peur de cette sueur qui perlait à son front comme s’il avait de la fièvre. Mais ses yeux n’étaient pas fiévreux, non, ils étaient brisés.
    – Où est Jaufré ?
    Ses yeux se remplirent de larmes. A mots comptés, il me raconta le voyage, la certitude qu’avait Jaufré de sa fin prochaine, sa souffrance, Hodierne, et enfin son ami, mon amant, mon amour, qu’il avait abandonné sur une terre lointaine pour s’en venir vers moi le pleurer. Au fond de moi, un cri de désespoir tenta de jaillir pour me délivrer, mais il n’y parvint pas.
    C’était juste comme si tout en moi disait non. Non, Jaufré n’était pas mort. Je l’aurais su, j’étais une magicienne, une sorcière, tout ce que l’on voudrait. Ces choses-là, je les sentais, je les devinais, je les voyais, et pas une seule fois je n’avais perçu la mort de Jaufré. Et puis je me souvins de cette vision sur le navire : Jaufré s’effondrant entre des mains blanches et baguées. Hodierne. Hodierne de Tripoli. Comme je m’en voulus de n’avoir rien compris, de n’avoir pas su empêcher que cela arrive.
    Panperd’hu m’ouvrit ses bras, oubliant sa crasse, et moi-même je ne la vis plus. Je m’y jetai avec le sentiment de n’être plus rien. Rien. Je n’avais pas de larmes. J’avais envie de pleurer, mais je n’avais pas de larmes. Lui, il pleura pour moi, m’assura encore de tout l’amour qui remplissait le cœur de Jaufré, mais je ne pensais qu’à une seule chose : pourquoi ne m’avait-il pas fait confiance ? J’aurais pu sans doute, j’aurais dû sans doute. S’il me l’avait dit, si je m’en étais aperçue. Je lui en voulais, je m’en voulais. J’avais mal. Mal à hurler. Je demandai encore, car malgré tout quelque chose en moi s’accrochait à

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