Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
le style romain, avec colonnes et
fronton, en partie masqué à la vue par les ormes et les chênes qui avaient
grandi autour. Malgré l’humidité ambiante, il était parfaitement conservé et
toujours d’une blancheur immaculée. Devant l’entrée, Cassandra expliqua à
Julian :
– J’ai aperçu ce temple de
l’une des fenêtres du château, mais c’est surtout l’aspect très particulier de
l’île qui m’a intriguée : elle forme un croissant parfait. Or vous m’avez
expliqué que le croissant de lune était un symbole alchimique important.
– Pensez-vous
que le tableau soit caché dans ce temple ?
– Nous
allons très vite le savoir.
Les portes à double vantail s’ouvrirent sur une
salle en rotonde, au plafond en coupole et au dallage de pierre noir et blanc.
Sept hautes niches creusées dans le mur circulaire abritaient des statues.
– Les dieux de
l’Antiquité, murmura Julian en parcourant la salle, chacun de ses pas résonnant
sur le dallage. Encore une référence à l’alchimie…
En
réponse au coup d’œil perplexe de Cassandra, il ajouta :
– Rappelez-vous notre
périple en Ecosse voilà deux ans et ce que je vous avais alors expliqué dans le
Sanctuaire de l’Eau.
Les alchimistes représentaient souvent les sept
métaux sous l’aspect des dieux de l’Olympe : Apollon symbolise l’or, Diane
l’argent, Jupiter l’étain, Saturne le plomb, Mercure le vif-argent, Mars le fer
et Vénus le cuivre.
La jeune femme acquiesça puis fît lentement le
tour du temple, examinant chaque dalle, chaque statue, chaque pierre, dans
l’espoir d’y découvrir un indice. Mais le temple était aussi minuscule que
l’île, et il ne fallut guère de temps à Cassandra pour comprendre qu’il ne
recelait nulle cache susceptible d’abriter un tableau.
Ils gagnèrent la rive et observèrent les
alentours. L’aube commençait à poindre, et au-delà du lac, le ciel avait pris
des teintes pourpres. Au loin, le château de Saujac paraissait toujours
endormi.
Le temple, qui s’élevait sur une berge en
saillie, était tout proche du lac dans lequel il se reflétait. Cassandra
s’agenouilla au bord de la rive herbeuse jonchée de fleurs sauvages et
contempla l’image du bâtiment au fond de l’eau. Aussitôt, une étrange
impression l’envahit. Il y avait là quelque chose d’insolite, sans qu’elle
puisse en définir la nature. Elle se pencha davantage et scruta intensément les
flots, comme fascinée.
– Julian !
appela-t-elle soudain d’une voix vibrante d’excitation. Regardez le reflet du
temple dans le lac.
– Le
reflet ?
– Oui.
N’y a-t-il rien qui vous surprenne ?
Julian fronça les sourcils. Il demeura un long
moment silencieux à observer l’eau limpide, puis ses yeux s’écarquillèrent sous
l’effet de la surprise.
– Mais…
commença-t-il. On dirait…
Il
s’interrompit, et Cassandra compléta sa pensée.
– Ce n’est pas un reflet.
Il y a un autre temple construit sous l’eau, identique en tout point à celui de
l’île. C’est une véritable prouesse architecturale, l’illusion est presque
parfaite.
« Ce qui est en haut est comme ce qui est
en bas », murmura Julian.
– Je vois mal quelle
meilleure cachette l’ancêtre du baron de Saujac aurait pu trouver pour mettre
son trésor à l’abri des convoitises.
– Mais
comment l’atteindre ?
– En nageant, bien sûr. Il
doit y avoir une entrée sous-marine.
Julian
contempla sans enthousiasme les flots glacés.
– Je suppose que c’est en
effet la seule solution, mais nous risquons fort d’en revenir avec une
pleurésie.
– Courage, ce n’est pas
profond, et l’eau de ce lac est étonnamment claire.
Sans plus attendre, Cassandra plongea, imitée
par Julian. En quelques brasses, ils atteignirent l’entrée du temple et s’y
engouffrèrent. Tout au fond, un tunnel s’ouvrait dans la vase. Ils le suivirent
sur une dizaine de yards, jusqu’à un coude qu’il formait à la verticale. Le
souffle court, Julian et Cassandra émergèrent alors à l’air libre dans une
petite caverne qu’éclairait une forêt de lueurs rouges.
– Des lampes perpétuelles,
créées grâce à la pierre philosophale, commenta Julian en examinant le mur.
Leur mèche brûle tout en se renouvelant indéfiniment.
– Il y a trois issues,
nota Cassandra en s’arrêtant devant des portes identiques creusées à même la
roche, et presque invisibles à l’œil
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