Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
Paris, puis à l’hôtel. Aussi fut-il rassuré, mais
également très surpris, quand Cassandra, redevenue elle-même, déclara qu’il
leur fallait retourner au château de Saujac.
– Et pourquoi donc ?
s’étonna-t-il. Ne rentrons-nous pas en Angleterre ?
– Je
ne repartirai pas sans le tableau.
Julian
la considéra en silence, le visage grave.
– Je me suis engagé à vous
aider, je le ferai jusqu’au bout, dit-il enfin, mais comme à regret. Alors,
quel est votre plan maintenant que le baron n’est plus là pour nous
instruire ?
– Je voudrais examiner ses
documents personnels au château. Peut-être y découvrirai-je un indice.
– Je ne pense pas que ses
domestiques vous autorisent à fouiller ses affaires, objecta Julian.
– Bien sûr que non, c’est
pour cela que nous devons agir en secret.
– En secret ?
s’alarma Julian. Vous n’avez tout de même pas l’intention de pénétrer dans le
château par effraction ?
– C’est la seule solution,
répliqua Cassandra sans s’émouvoir. Ainsi, nous saurons très vite à quoi nous
en tenir.
– Je
ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée…
– Qui sait ? Il se
pourrait que vous trouviez cette équipée très divertissante.
– Parce
que je vous accompagne ?
– N’est-ce pas ce à quoi
vous vous êtes engagé ? Attendez-moi, poursuivit Cassandra sans lui
laisser le temps de protester, je vais chercher quelque chose dans ma chambre.
Elle revint avec une trousse ventrue de cuir
noir, assez semblable à celle d’un médecin, qu’elle posa sur la table et
ouvrit. Intrigué, Julian se pencha sur le sac tandis que Cassandra en retirait
un à un divers instruments emmaillotés dans des linges : une tige
métallique, une pince-monseigneur, un vilebrequin avec un jeu de mèches et de
forets, un solide couteau à gaine, une petite roue à cliquet, un rouleau de
corde, un ciseau à froid, un cric à levier, une lanterne sourde, un jeu de
rossignols, une petite boîte contenant un nécessaire à la cire pour prendre des
empreintes de clés, une paire de pinces très fines à tête modifiée de façon à
pouvoir agripper l’extrémité d’une clé engagée dans une serrure.
– Qu’est-ce donc que cet
attirail ? s’enquit Julian, l’air inquiet.
– Voyons, ne faites pas
l’idiot. C’est le matériel de base de tout bon cambrioleur.
Son
ami la fixa avec effarement.
– Pourquoi
voyagez-vous avec cette trousse ?
– Oh, cela peut toujours
être utile, rétorqua la jeune femme en examinant ses outils.
– Êtes-vous certaine
d’avoir renoncé à votre ancienne carrière ? fit Julian d’un ton mi-amusé
mi-soupçonneux.
– Hélas,
oui, soupira Cassandra.
Julian ne pouvait s’empêcher de contempler les
instruments avec curiosité, et Cassandra sourit.
– Vous
voyez, je suis certaine que vous allez vous amuser.
Il était près de deux heures du matin lorsque
Julian et Cassandra,
des lanternes sourdes dissimulées sous leurs manteaux, pénétrèrent dans le parc
du château de Saujac en franchissant le mur extérieur. Grâce aux branches
dénudées d’un bosquet de lilas, l’escalade s’était révélée aisée, même pour
Julian pourtant guère habitué à ces acrobaties.
Tel un palais de conte de fées, la demeure du
baron de Saujac reposait sous les effluves des astres pâles. Le ciel était
étoilé, mais feutré d’un léger brouillard qui ceignait la lune d’un halo doré.
Le silence régnait sur l’arrière du château, et aucune lumière ne venait percer
l’obscurité des fenêtres.
Cassandra et Julian s’immobilisèrent au pied du
mur d’enceinte et attendirent dans le noir, guettant une présence qui viendrait
compromettre leurs plans. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi, jusqu’à ce que
la jeune femme, rassurée, fasse signe à son compagnon qu’ils pouvaient avancer.
Presque un demi-hectare de terrain les séparait du château, et sur ce terrain
s’élevait un immense jardin topiaire. Ce n’était pas par hasard que Cassandra
avait choisi ce chemin pour gagner la résidence : elle escomptait que les
sculptures végétales dissimuleraient leurs mouvements aux regards indiscrets.
À la clarté des étoiles, ils se frayèrent un
passage parmi les buissons taillés en forme d’oiseaux ou d’animaux, s’arrêtant
de temps à autre à l’abri de l’un d’eux pour guetter de nouveau. La lune était
si brillante que les ombres des sculptures
Weitere Kostenlose Bücher