Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

ses gants de cuir et essuyait avec un mouchoir un peu de sang sur ses
doigts.
    –  Maudites
épines, marmonna-t-elle.
    –  Avez-vous
découvert quelque chose d’intéressant ?
    –  La fouille a été plus
rapide que je ne le pensais car de nombreuses pièces étaient inhabitées et
vides de meubles. Mais regardez ceci. Ce parchemin se trouvait dans le coffre
d’un bureau.
    Elle lui tendait une gravure ancienne
représentant un texte en latin gravé sur un rocher. L’illustration était
entourée d’un acrostiche, également en latin, «  Visita
Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem », dont
les sept initiales formaient le mot Vitriol, l’agent secret du Grand Œuvre.
Au-dessus, le soleil et la lune se déversaient dans une coupe surmontant le
symbole du mercure, tandis que les sphères du ciel et de la terre figuraient
sous le dessin.
    Julian
observa la gravure, les sourcils froncés.
    –  À
quoi pensez-vous, Julian ?
    –  À
la Tabula smaragdina. La
Table d’émeraude.
    –  La
Table d’émeraude ?
    –  Une plaque d’émeraude
sur laquelle Hermès Trismégiste, le dieu qui a révélé aux hommes la doctrine
alchimique, aurait gravé en termes allégoriques les principes fondateurs du
Grand Œuvre : la correspondance du « grand monde », Dieu, et du
« petit monde », l’homme, et les conciliations d’opposés : l’Un
et le multiple, l’Âme et l’Esprit, le Soleil et la Lune, le Soufre et le
Mercure, le Fixe et le Volatil, le Solve et le Coagula, la
Forme et la Matière, le Spirituel et le Corporel, l’Actif et le Passif…
    –  Et
où est supposée se trouver cette Table ?
    –  De nombreuses légendes
circulent à propos de son emplacement. Certaines prétendent qu’elle était
cachée dans la tombe d’Hermès. D’autres affirment qu’elle aurait été découverte
après le Déluge dans une grotte rocheuse de la vallée d’Hébron. Il existe une
autre version, cependant : au I er siècle
de l’ère chrétienne, le néopythagoricien Apollonios de Tyane, aussi connu sous
le nom arabe de mage Balînûs, vit un jour une statue d’Hermès sur une colonne
d’or ; une inscription invitait à chercher à ses pieds. Il découvrit ainsi
un souterrain qu’il suivit pour déboucher dans un sanctuaire. Il fut accueilli
par Hermès en personne, assis sur un trône doré, qui lui tendit un ouvrage
gravé sur une tablette d’émeraude, le Livre des secrets de la Création, qui traitait de la
formation à partir du chaos des êtres, des cieux, des planètes et des métaux.
La Table d’émeraude serait la conclusion de cet ouvrage. C’est un texte très
court, composé d’une douzaine de formules obscures dont la plus célèbre est la
correspondance entre le macrocosme et le microcosme : « Ce qui est en
bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas. »
    –  Cette Table dévoilerait
donc tous les secrets de l’alchimie en donnant les clés de la transmutation des
métaux en or et de la vie éternelle.
    –  Tout à fait, acquiesça
Julian. C’est en quelque sorte un résumé du Grand Œuvre.
    –  Certes, mais cela ne
nous dit pas où est dissimulé le tableau de Bosch, soupira Cassandra.
    –  En effet, ce parchemin
prouve seulement que le baron de Saujac s’intéressait de près à l’alchimie.
    –  Lui
ou un de ses ancêtres, corrigea Cassandra.
    –  Que
voulez-vous dire ?
    –  Rappelez-vous ce que le
baron nous a raconté : que sa famille veillait sur le tableau depuis
toujours. Peut-être est-ce l’un de ses ancêtres, un alchimiste justement, qui y
a dissimulé la gravure d’Isis dans le but de la protéger.
    –  C’est possible, mais
nous ignorons toujours ce que sont ces gravures et leur utilité.
    –  Et pourquoi
n’indiqueraient-elles pas l’emplacement de la Table d’émeraude ? suggéra
Cassandra.
    –  Voyons, cette Table
n’existe pas. Ce n’est qu’un mythe, une légende.
    –  De
même que la pierre philosophale…
    Cassandra
se tut un long moment, puis déclara brusquement :
    –  Nous
devons retourner au château.
    –  Maintenant ? se
récria Julian. Mais le jour va bientôt se lever !
    –  Ne craignez rien,
personne ne nous dérangera à l’endroit que je veux vous montrer.

IX
    À un demi-hectare environ du château de Saujac,
à la lisière du parc, s’élevait, sur une petite île reliée à la rive par une
mince langue de terre, un temple érigé dans