Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
s’il n’avait jamais existé,
englouti par la brume.
Cassandra
et ses compagnons se retrouvèrent seuls, leurs bagages à leurs pieds. Ils se
sentaient soudain terriblement vulnérables, privés de leur moyen de fuite. Avec
lenteur, ils se tournèrent d’un même mouvement vers le château, de l’autre côté
de la gorge rocheuse.
– Je
reprendrais bien un verre de slivovitz avant de
pénétrer dans cette maudite forteresse, marmonna Jeremy.
– Voyons
le bon côté des choses, déclara Nicholas. Du moins ne pleut-il plus.
Et
en effet, la pluie avait cessé aussi brutalement qu’elle avait éclaté. En
revanche, la brume s’épaississait à vue d’œil. Montant à l’assaut des
montagnes, elle venait lécher le bord de l’abîme.
Clayton
s’avança vers la chaussée, éprouva du pied la solidité des planches de bois.
– Nous
pouvons passer sans crainte, cette chaussée supportera notre poids.
Il
fit un pas en avant et se figea soudain, les yeux rivés au château.
– Que se passe-t-il ?
demanda Cassandra, alarmée.
– Il
manque quelque chose… répondit Clayton, le front plissé. C’est étrange…
Devant les mines
perplexes de ses compagnons, il précisa :
– Les oiseaux…
Cassandra
comprit ce qu’il voulait dire. En Angleterre, les châteaux étaient envahis de
nuées de pigeons qui nichaient dans les anfractuosités de la pierre. Or nul
oiseau ne perchait sur les murailles de la forteresse, les rebords des fenêtres
ou les créneaux des tours. Et aucun non plus ne se voyait dans le ciel.
Clayton se tourna vers
la jeune femme.
– C’est
le royaume de la Mort, dit-il simplement. Un mausolée de pierre. Nous devons
être les seules créatures vivantes à des miles à la ronde.
II I
Les
ombres du soir s’allongeaient sur les murailles du château, tandis que des
voiles de brume nappaient le sol et flottaient au fond de la gorge. De loin, la
forteresse devait donner l’impression de flotter sur une mer de brouillard.
Cassandra
et ses compagnons étaient réunis dans une des salles du rez-de-chaussée, dînant
frugalement. Nicholas avait allumé un feu dans la cheminée, mais les flammes
chétives peinaient à dissoudre les ténèbres. Le petit groupe avait passé les
dernières heures à explorer les moindres recoins du château, sans résultat.
Toutes les pièces, une quarantaine au total, étaient absolument vides, de meubles
comme d’occupants. Ils avaient déambulé de l’une à l’autre tout l’après-midi, à
la recherche d’un indice susceptible de les guider jusqu’au Livre d’émeraude,
mais leurs lampes n’avaient éclairé que des sols poussiéreux et des murs nus.
Encore que « nus » ne fût pas exactement le terme approprié. En
vérité, c’était faire abstraction des dragons incrustés dans les blocs de
pierre.
C’était
la première chose qu’ils avaient vue en franchissant le portail, dont les
lourdes portes de bois étaient grandes ouvertes comme s’ils étaient attendus.
Les murs de la cour étaient marqués de centaines de dragons, qui avaient tous
la même forme étrange que celui retrouvé sur les lieux des meurtres de la Dame
Noire. Julian avait passé la main sur la surface lisse de l’un d’eux.
– Du cuivre, avait-il
murmuré, perplexe.
Il
semblait y en avoir partout, disposés à intervalles réguliers dans la
pierre : à l’intérieur de chaque pièce, dans les murailles qui ceignaient
la cour, et même dans les encoignures des portes et des fenêtres.
– Ces
dragons prouvent en tout cas que nous sommes bien dans la demeure d’Isis,
commenta Julian en se resservant un verre de vin.
– Mais
ils ne nous indiquent pas ce que nous sommes supposés faire une fois dans le
château, rétorqua Clayton.
– Qui
sait ? Nous aurons peut-être cette nuit la visite de fantômes ou de goules
qui auront l’amabilité de nous renseigner, déclara Jeremy, l’air sinistre.
Après
le dîner, ils s’enveloppèrent dans les couvertures qu’ils avaient amenées et
s’installèrent le plus confortablement possible pour dormir. Cassandra ne tarda
pas à sombrer dans un sommeil grouillant de cauchemars dans lesquels des
ténèbres froides s’infiltraient en elle, l’étouffant peu à peu. Elle se réveilla
en sursaut, l’estomac noué par une frayeur morbide. Le cœur battant à tout
rompre, elle ouvrit les yeux et se redressa. Durant quelques atroces secondes,
elle eut l’impression de suffoquer, et un
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