Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
vol,
qui s’est déroulé à bord d’un train, était très audacieux, et l’affaire est
demeurée célèbre dans les annales de la police.
Cassandra soupira.
– Ce
coup a nécessité des mois de préparation, indiqua-t-elle, et je dois dire que
j’en suis assez fière. Mais comment êtes-vous parvenu à la conclusion que
j’étais Artémis ? Après tout, ce médaillon aurait pu arriver entre mes
mains de bien des manières.
Le policier hésita.
– Dès
que je vous ai rencontrée, déclara-t-il d’une voix lente, j’ai nourri des
soupçons à votre endroit. Vous étiez… différente.
Alors
j’ai fait des recherches, fouillé votre passé, recoupé les informations, et
fini par découvrir ce que vous cachiez.
Clayton regarda au loin,
de l’autre côté de la gorge.
– Rassurez-vous,
je n’ai pas l’intention de vous arrêter. Pas maintenant en tout cas.
Une expression amusée se
peignit sur le visage de Cassandra.
– Pensez-vous
donc que je me laisserai enfermer si facilement ?
Le
policier se tourna de nouveau vers elle, et un instant ils se dévisagèrent.
Clayton allait répondre quand un hurlement de terreur résonna entre les
murailles de la forteresse. Cassandra pâlit.
– Megan !
Des
cris s’élevèrent à leur tour et parurent envahir le château tout entier. En
quelques secondes, Clayton et Cassandra dévalèrent l’escalier, traversèrent la
cour en fendant les nappes de brouillard et gagnèrent le couloir. Mais ils ne
purent atteindre la salle qu’occupaient leurs compagnons.
De
toutes parts surgissaient des hordes de rats, bondissant, piaillant, l’œil
jaune et la mâchoire vorace. Les rongeurs étaient si nombreux que le sol était
devenu une pelisse vivante, grouillante, informe, un tapis lustré et mouvant
qui emportait tout sur son passage.
Bloquée
au milieu du couloir, trop loin des murs pour s’y retenir, Cassandra luttait
pour ne pas tomber. La tâche était aussi vitale qu’ardue : dans un concert
de sifflements stridents qui vrillait les nerfs, les rats la frôlaient, la
bousculaient, pesaient contre ses chevilles, et la jeune femme vacillait
dangereusement sous la violence de leur assaut. Paraissant surgir de partout et
nulle part à la fois, les rongeurs continuaient à déferler en vagues compactes
et ininterrompues qui menaçaient à chaque seconde d’entraîner Cassandra dans
leur sillage. Ne parvenant plus à maintenir son équilibre, elle faillit mettre
un genou à terre, mais à ce moment un bras l’enserra et elle se retrouva
plaquée contre le mur.
Solidement
campé sur ses jambes, Clayton faisait un barrage de son corps à la jeune femme.
Durant d’interminables minutes, à moins que ce ne fussent des heures, sa
silhouette massive encaissa sans bouger d’un pouce le choc de la galopade,
avant qu’enfin, sans raison apparente, les rats se fissent de moins en moins
nombreux, jusqu’à se volatiliser complètement.
Lorsque
le dernier eut disparu au détour du couloir, Cassandra et Clayton demeurèrent
immobiles, la respiration suspendue. Puis, quand il parut acquis que les rats
ne reviendraient pas, Cassandra se dégagea doucement de l’étreinte de Clayton.
– Je vous remercie,
dit-elle en évitant son regard.
Sans
lui laisser le temps de répondre, elle se mit à courir vers la pièce où se
trouvaient les autres. Elle découvrit d’abord près de la porte Megan et Jeremy
qui fixaient avec répulsion le sol à présent déserté. Appuyé contre le mur à
l’autre bout de la salle, Nicholas avait une mine épouvantable, mais Cassandra
doutait que ce fût à cause des rats.
L’air
plus intrigué que bouleversé, Julian passa près de Cassandra pour gagner le
couloir et suivre la piste des rongeurs.
– Plus
de peur que de mal, déclara-t-il avec son flegme habituel en revenant dans la
pièce. Mais c’est extraordinaire, les rats ont surgi de nulle part et ont disparu
sans laisser de trace… Comment un tel phénomène est-il possible ?
– Personnellement,
je me moque de le savoir, rétorqua Jeremy avec acidité. J’espère juste que
cette horreur ne se reproduira pas !
Après
cela, personne ne put dormir, et le reste de la nuit se déroula avec une
lenteur exaspérante. Chacun fut soulagé quand le soleil apparut enfin au-dessus
des Carpates. La lumière ne pouvait chasser les ombres qui rôdaient dans la
forteresse, mais du moins allait-elle les tenir provisoirement à l’écart.
C’était comme de
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