Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
irrépressible besoin de prendre l’air
l’envahit. Elle se leva silencieusement, boutonna son manteau et gagna la cour
de la forteresse, la main posée sur la crosse de son pistolet. Un pâle
croissant de lune enveloppait les lieux d’une lueur blafarde et faisait briller
les dragons d’un éclat sombre. Lentement, Cassandra fit le tour de la cour. Ses
bottines crissaient sur le gravier, et ce simple bruit prenait dans le silence
épais de la nuit une ampleur angoissante. La jeune femme s’immobilisa, la tête
levée, devant le mur oriental du château. À cet endroit, les parois hautes
d’une quinzaine de yards se fondaient totalement dans l’arrière-plan rocheux,
comme si elles étaient directement taillées dans le roc ; c’était là
l’œuvre d’un homme, ou d’une femme, pour qui la nature n’avait pas de secrets.
Cassandra pivota sur elle-même. Les murailles l’entouraient de toutes parts, et
les tours qui se dressaient au-dessus d’elle masquaient les nuages. Un bref
instant, elle eut la sensation de se trouver entre les pattes d’une monstrueuse
créature endormie.
Cassandra
avisa un escalier de pierre qui grimpait le long du mur ouest. Elle gagna ainsi
les remparts et se pencha sur les créneaux pour observer le long ruban du
défilé montagneux. Une fine couche de brouillard ondulait dans la gorge au ras
du sol. Tout était calme. Trop calme.
Comme
pour la démentir, un bruit de pas se fit entendre dans son dos. Cassandra se
retourna brusquement, pistolet au poing.
– Qui va là ?
Une
forme massive émergea de l’obscurité et vint se planter devant elle.
– Vous
ne devriez pas vous promener seule ici, l’apostropha Clayton.
Ses
paroles partaient sans doute d’une bonne intention, mais elles eurent le don de
prodigieusement agacer Cassandra.
– Je
vous remercie de vos conseils avisés, rétorqua-t-elle d’un ton sec, mais
vous-même, que faites-vous ici à cette heure ?
Sans
se froisser, Clayton s’approcha du parapet et jeta un coup d’œil en contrebas.
– Lucian
nous avait prévenus : il est impossible de dormir dans cet endroit. Vous
devez vous montrer plus prudente.
Cassandra allait
riposter, mais il la prit de court en poursuivant :
– Ce
n’est pas parce que vous ne vous êtes jamais fait attraper durant votre
carrière de cambrioleuse qu’il ne peut rien vous arriver aujourd’hui.
Pour
le coup, la jeune femme en perdit l’usage de la parole. Elle demeura pétrifiée,
incapable de regarder le policier.
– Vous
n’êtes pas invulnérable et la chance tourne, Mrs. Ward… ou plutôt devrais-je
dire Artémis ?
Cassandra
fit brusquement volte-face ; Clayton l’observait, une expression indéchiffrable
sur le visage. Sous le choc, elle ne put que balbutier une vague
dénégation :
– C’est ridicule…
Clayton leva une main
pour l’interrompre.
– J’ai plusieurs témoins
pour appuyer mes dires.
– Des
témoins ? railla Cassandra, qui avait recouvré ses esprits. J’aimerais
bien savoir lesquels !
– Des
receleurs surtout. Ils ne connaissent pas votre vrai nom, bien entendu, mais
ils seraient prêts à venir vous identifier devant un tribunal. J’ai également
rencontré plusieurs artisans de Birmingham qui ont conçu des outils pour vous.
Savez-vous que je travaillais là-bas avant de venir à Londres ? J’ai gardé
de nombreux contacts dans cette ville, et ils se sont révélés très utiles…
Cassandra
se mordit les lèvres ; elle se sentait prise au piège, et cela n’avait
rien d’agréable. Toutefois, et aussi curieux que cela puisse paraître, elle
n’éprouvait pas de crainte. Pas encore du moins.
– C’est
le médaillon que vous portiez lorsque je suis venu dîner chez vous qui m’a mis
sur la voie, ajouta Clayton.
Malgré
la gravité de la situation, Cassandra ne put s’empêcher de sourire tout en
portant la main au bijou dans lequel elle conservait la mèche de cheveux
d’Andrew.
– Je
me doutais que vous l’aviez reconnu. Megan ne m’a avertie qu’au dernier moment
de votre arrivée, et je n’ai pas eu le temps de le retirer. J’en avais fait
modifier la composition et retaillé les pierres, mais cela n’a manifestement
pas suffi à le rendre méconnaissable…
Clayton hocha la tête.
– Oui,
je l’ai identifié immédiatement. Il faisait partie d’un lot de bijoux précieux
dérobé à l’épouse de l’ambassadeur d’Espagne par Artémis en juin 1856. Le
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