Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
qui avait hérité de son père ses cheveux blonds et ses yeux
noisette. Julian avait divorcé de la mère de la fillette avant que Cassandra ne
le rencontre. La rupture s’était opérée dans des circonstances mystérieuses
dont il ne parlait jamais : son ancienne femme, Aerith, était pour lui un
sujet tabou.
À
la différence de Cassandra, qui se sentait souvent empruntée avec son fils,
Julian s’épanouissait dans son rôle de père. Peu d’hommes, surtout de son rang,
consacraient autant de temps à leurs enfants. Il adorait s’occuper de sa fille,
et la petite lui vouait en retour un amour sans bornes. Cassandra était
persuadée que son époux défunt, Andrew Ward, aurait également été un père
modèle. Mais il était mort avant d’avoir pu voir son fils, et cette pensée
assombrit la jeune femme. Machinalement, elle caressa le médaillon qui pendait
à son cou et ne la quittait jamais. Ce fut Miss Lennox qui l’extirpa de ses
idées moroses en surgissant brusquement à ses côtés. Andrew s’était endormi sur
ses genoux et la gouvernante voulait le ramener dans sa chambre. À contrecœur,
Cassandra la laissa l’emporter tandis que Julian disait à Laura :
– Ma
chérie, va chercher Gabriel, il doit être perdu quelque part.
La
petite obtempéra et se mit à courir vers le château, ses boucles blondes volant
derrière elle.
– Gabriel semble se plaire
ici, observa Cassandra.
– Oh,
il est ravi, confirma Julian. Vous savez qu’il s’est découvert une grande
passion pour l’œuvre de Jane Austen. Il se croit à Pemberley et espère croiser
Fitzwilliam Darcy à chaque détour de couloir. Pour un peu, je serais jaloux,
plaisanta-t-il. Mais justement, le voici.
En
effet, Laura revenait déjà, tenant par la main un beau jeune homme aux cheveux
d’un blanc neigeux et au regard mélancolique.
À
observer les traits d’une absolue perfection de Gabriel, il était difficile d’y
lire les traces sanglantes de son passé. Après une enfance sordide au sein
d’une maison close de la capitale, celui-ci était devenu l’homme de main de
l’organisation criminelle d’Angelia Killinton, le Cercle du Phénix, exécutant
sans états d’âme tous ceux qui menaçaient de contrecarrer ses projets, à
commencer par le propre père de Jeremy Shaw, l’inspecteur Matthews. Puis son
chemin avait croisé celui de Julian Ashcroft, et son existence avait basculé.
C’était Julian qui lui avait enfin donné un nom, Julian encore qui l’avait aidé
à se reconstruire et à entamer une nouvelle vie sans jamais lui reprocher ses
crimes passés.
Le
jeune homme portait un paquet rectangulaire qu’il déposa sur la table devant
Cassandra.
– Mr.
Tropper vient de le rapporter, expliqua-t-il à Julian, qui se tourna vers son
invitée.
– C’est
un cadeau d’Italie que j’ai fait restaurer à votre intention. Vous risquez
d’être étonnée…
– Vraiment ?
sourit Cassandra, qu’il était difficile de surprendre. Je vous remercie de
cette attention.
Avec
précaution, elle défit l’emballage et découvrit un tableau au cadre doré. Le
sujet, une femme vêtue à la mode des années 1830, lui arracha une exclamation
de surprise.
– La ressemblance
n’est-elle pas stupéfiante ?
Julian
s’était levé et contemplait également la toile, debout derrière Cassandra.
Celle-ci
se contenta de hocher la tête, trop sidérée pour répondre.
Mêmes
cheveux blonds… Même nez droit… Même long cou élancé… Seule la couleur des yeux
différait. Ceux de l’inconnue étaient verts, alors que les iris de Cassandra
possédaient une teinte très particulière, à mi-chemin entre le bleu et
l’améthyste. Hormis ce détail, Cassandra avait l’impression de se contempler
dans un miroir. La femme du portrait était son sosie.
– J’ai
trouvé ce tableau à Florence, chez un vieil artiste nommé Ricardo Rosselli,
expliqua Julian. Il est presque aveugle aujourd’hui et a cessé de peindre
depuis plusieurs années, mais il bénéficiait d’une certaine notoriété en son
temps et j’ai souhaité voir son travail.
– Oui,
j’ai entendu parler de lui, commenta machinalement Cassandra, incapable de
détacher ses yeux du tableau.
– Imaginez
ma surprise en découvrant ce portrait dans son atelier…
– Qui
représente-t-il ? l’interrompit Cassandra, la gorge sèche.
– Malheureusement,
Ricardo Rosselli est très âgé et sa mémoire défaillante. Il a eu tant
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