Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
L’assassin l’a simplement pris pour emblème…
Angelia
se tourna vers lui avec un sourire qui ne présageait rien de bon.
– Préparez vos bagages,
Mr. Crane. Nous partons en voyage.
Walter sursauta.
– En
voyage ? Il n’en est pas question ! Je ne vais nulle part avec vous.
– Non ?
Mais je crains que vous n’ayez pas le choix, mon cher.
Elle
jeta un coup d’œil explicite à la porte, dans l’encadrement de laquelle
Seishiro venait d’apparaître, aussi impavide et angoissant qu’à l’accoutumée.
– Et
où comptez-vous aller ? balbutia Walter, appréhendant la réponse.
– En
Russie, répondit Angelia, du même ton qu’elle aurait dit : « À
Londres. »
Walter
manqua succomber à la panique. Dans son esprit, la Russie était une contrée à
peu près aussi lointaine et inhospitalière que la lune, balayée en permanence
par la neige et des vents glaciaux. Un pays de surcroît contre lequel
l’Angleterre était en guerre à peine quelques années plus tôt. C’était le
dernier endroit au monde où Walter aurait eu envie de se rendre si on lui avait
demandé son opinion. Mais il se trouve qu’on ne la lui demandait pas.
– Bon Dieu, gémit-il, que
voulez-vous faire là-bas ?
Walter
ne jurait jamais en temps ordinaire, mais il était si troublé qu’il en perdait
le sens des convenances. Il tenta de mettre de l’ordre dans ses pensées.
– Ce voyage aurait-il un
quelconque rapport avec… les meurtres ? demanda-t-il, incrédule, en posant
sa main sur le journal.
Le sourire d’Angelia
s’élargit, et Walter la considéra plus attentivement.
– Bonté divine…
sauriez-vous… qui a commis ces assassinats ?
XXVIII
Au
grand soulagement de Walter, qui avait craint que le départ pour la Russie ne
fût imminent, Angelia avait plusieurs affaires à régler avant de quitter le
pays.
La
jeune femme parut un matin au sommet de l’escalier, étrennant ses achats les
plus coûteux de Burlington Arcade : une robe de soie pourpre, des gants en
dentelle de Chantilly pourpre également, une cape de fourrure blanche en
hermine, un collier et des boucles d’oreille en or et rubis. Ses cheveux noirs
étaient retenus par un bijou en forme d’oiseau émaillé de pierres précieuses.
L’ensemble était à couper le souffle, et Walter en demeura bouche bée.
Angelia
lui décocha un sourire empreint de coquetterie tandis qu’elle descendait les
marches avec une majesté un peu incongrue dans le cadre du modeste cottage de
la famille Crane.
– Où
allez-vous ? demanda Walter lorsqu’il eut retrouvé l’usage de sa langue.
Angelia balaya la
question d’un geste de la main.
– Rendre une visite, se
borna-t-elle à répondre.
Walter se rembrunit
aussitôt.
– Jurez-moi
que cela ne se terminera pas de la même façon qu’à Windsor.
– Ne soyez pas sot,
Walter. C’est un simple rendez-vous d’affaires à Londres. Vous en jugerez par
vous-même du reste, puisque vous m’accompagnez.
Sans
prendre la peine de protester, Walter grimpa dans le fiacre pendant que
Seishiro, le visage dissimulé par un feutre noir à bords rabattus, prenait
place sur le siège du cocher et saisissait les rênes des chevaux. L’attelage
s’ébranla dans un nuage de poussière et dévala la côte vers Hampstead.
Pelotonnée
contre la portière, Angelia jouait avec son manchon en plumes de lophophore et
de paon, l’air songeur. Walter ouvrit la bouche, la referma ; il avait
beaucoup à lui dire mais n’osait interrompre le cours de ses réflexions.
– Que
se passe-t-il ? lui lança-t-elle soudain alors que la voiture pénétrait
dans Londres. Vous semblez soucieux.
Walter réprima un
ricanement hystérique.
– Comme si je n’avais pas de
raisons de l’être !
– Oh,
ne dramatisez pas, rétorqua nonchalamment Angelia. De quoi vous
plaignez-vous ? Grâce à moi, votre misérable existence a pris une tournure
nettement moins terne. Ce voyage en Russie par exemple…
– À propos de la Russie
justement… l’interrompit Walter.
Il
avait prévu d’utiliser le sursis qui lui était accordé pour convaincre la jeune
femme de renoncer à son idée de l’emmener avec elle.
– Quoi
que vous ayez l’intention de faire là-bas, plaida-t-il, je vous ralentirai. Je
serai un poids pour vous.
– Certainement,
acquiesça Angelia, mais vous viendrez quand même.
– Vous ne pouvez m’y
forcer ! se révolta Walter.
Angelia s’inclina
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