Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
redressa bientôt, effarée.
– Le
dragon représenté sur la gravure est le même que celui sur le lieu des
meurtres… Que pensez-vous que cela signifie, Julian ?
– Je
crois que la situation est plus grave que nous ne l’imaginions. J’ignore ce
qu’Aerith vous a promis pour obtenir votre coopération, mais cela vaut-il
réellement la peine de courir le risque ?
Cassandra n’eut pas une
seconde d’hésitation.
– Oui, cela en vaut la
peine.
Devant l’expression de
doute de Julian, elle ajouta :
– Vous devez me croire.
– Je
suis désolé, mais cela ne me suffit pas. Vous savez pourtant que vous pouvez me
faire confiance, pourquoi hésiter à vous confier à moi ?
Il
soutint le regard de Cassandra, et celle-ci finit par baisser les yeux.
– D’accord,
céda-t-elle. Asseyez-vous, je vais vous raconter. Je crois que cela me
soulagera d’en parler…
XXVII
Depuis
sa sanglante équipée à Windsor avec Angelia, Walter passait chaque jour en
revue les divers quotidiens, à la recherche d’un article concernant
l’assassinat de leur cocher. Mais il eut beau parcourir fébrilement les
journaux de la première à la dernière page, il ne trouva pas la moindre ligne
sur le sujet. Il en déduisit que Seishiro avait fait disparaître le corps,
avant de les rejoindre Angelia et lui pour reconduire le fiacre à Londres.
Pendant tout le trajet de retour, Walter était demeuré recroquevillé contre la
portière, en état de choc. Pour lui qui de toute son existence n’avait jamais
franchi les limites de la légalité, l’immersion dans le monde du crime avait
été plus que brutale. Consciente de son malaise, Angelia lui avait tapoté le
bras en murmurant d’un air compatissant :
– Allons, calmez-vous,
tout va bien.
Il
dormait mal depuis le meurtre, hanté par l’image du cocher étendu à terre, les
bras en croix et la gorge tranchée de sang-froid. À cause de lui. Cet homme
avait-il une femme, des enfants ? Qu’avaient-ils ressenti en ne le voyant
pas revenir ? Lorsque son esprit s’attardait sur ces questions, Walter se
sentait ployer sous le poids de la culpabilité.
À
présent, il lui apparaissait clairement qu’il devait dénoncer Angelia. Sa place
était à l’asile qu’elle n’aurait jamais dû quitter, et le devoir de Walter
était de l’y renvoyer séance tenante. Par malheur, son projet se heurtait à un
obstacle de taille : Seishiro.
Walter
était désormais prisonnier dans sa propre maison. Où qu’il aille, quoi qu’il
fasse, il sentait la présence menaçante de l’Asiatique dans son dos. Celui-ci
était si discret que Mrs. Crane n’avait pas même remarqué son arrivée dans la
maison. Et pourtant, il était toujours là, prêt à rendre compte à Angelia du
moindre mouvement suspect de Walter, mouvement qui lui vaudrait sans nul doute
de cruelles représailles.
– Et
mes cours de musique ? s’était-il plaint à Angelia. Comment puis-je gagner
ma vie si je ne peux plus sortir de chez moi pour me rendre chez mes
élèves ?
La
jeune femme avait sorti du tiroir de son chevet une épaisse liasse de billets
qu’elle lui avait tendue.
– Je suppose que cela
suffira à vous dédommager.
C’était
certes ce qu’il gagnait en six mois, mais l’argent n’avait pas suffi à rendre
la surveillance perpétuelle de Seishiro moins pesante.
– Pourriez-vous
demander au Chinois qui vous sert de domestique de cesser d’espionner mes
moindres faits et gestes ? dit-il un soir à Angelia. Je l’ai même surpris
en train de lire mon courrier ! C’est extrêmement pénible.
La
jeune femme, qui était plongée dans la lecture du Times, releva
la tête et le contempla d’un air de profond ennui.
– Seishiro
n’est pas chinois mais japonais, corrigea-t-elle comme si cette précision
pouvait revêtir une quelconque importance aux yeux de Walter. Vous le vexeriez
terriblement s’il vous entendait.
Elle
replia le journal avant d’ajouter sur le ton de la conversation :
– Seishiro
pense que je devrais torturer votre mère pour vous faire avouer l’identité de
votre employeur.
Walter pâlit.
– Il
serait vain de recourir à une telle extrémité. Je n’agis, bien sottement il est
vrai, qu’en mon nom…
La conversation en resta
là et Walter quitta la pièce en affectant un calme qu’il était très loin de
ressentir en réalité. Cette nuit-là, il ne dormit pas du tout, obsédé par le
piège dans lequel il
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