Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston

peser sur elle,
Angelia se releva à demi et lui adressa un sourire, une main posée sur l’épaule
d’Andrew.
    Les
deux femmes demeurèrent un long moment à se fixer, Angelia radieuse, Cassandra
pétrifiée de crainte.
    Avant
que celle-ci n’ait eu le temps d’esquisser un geste ou de prononcer un mot, sa
sœur fit volte-face et fendit la foule en direction de la sortie. Cassandra se
précipita vers Andrew qui l’accueillit avec un gloussement joyeux, inconscient
du danger qui venait de le frôler. Cassandra le souleva de terre et le serra
convulsivement contre elle en parcourant les alentours des yeux, mais Angelia
avait disparu.

XXIX
    Transi
de froid, Jeremy observait d’un œil critique la société élégante qui se
pavanait à cheval et en voiture dans les allées de Hyde Park, ponctuant chaque
passage de reniflements méprisants. Dissimulés par d’imposants massifs de
rhododendrons, semblables à des murailles fleuries, lui et Gabriel épiaient la
statue de Wellington, attendant que l’indicateur du journaliste apparaisse.
Conformément à ses instructions, Jeremy avait laissé dans l’interstice du socle
désigné par l’inconnu un message lui demandant une nouvelle rencontre. Il avait
ensuite fait mine de quitter le parc avant de revenir par des chemins détournés
se cacher dans le massif où patientait déjà Gabriel.
    –  Je
n’ai pas l’intention d’attendre tranquillement que mon informateur se dévoile,
avait-il déclaré. Je veux savoir dès à présent à qui j’ai affaire.
    Il
y avait une autre raison à son impatience : on était la veille du dix
octobre, et Jeremy voulait tenter d’arracher à l’inconnu le nom de la prochaine
victime de la Dame Noire. Il en était déjà à imaginer le succès et la gloire
qu’une telle révélation lui apporterait.
    Par
malheur, ce graal journalistique était subordonné à une longue et pénible
attente dans les frimas de Hyde Park, une torture pour Jeremy qui avait le plus
grand mal à tenir en place et ne cessait de se contorsionner pour trouver une
position plus confortable. À l’inverse, Gabriel se tenait aussi immobile qu’un
prédateur sur le point de saisir sa proie, son souffle à peine perceptible.
Depuis leur équipée à Cardiff, Jeremy ne pouvait s’empêcher de le considérer
avec un certain malaise, mais il avait encore besoin de lui.
    Le
soir tombait sans qu’ils n’aient encore vu personne s’approcher de Wellington.
Jeremy n’était pas loin de renoncer quand Gabriel se raidit soudain tandis que
sa respiration s’accélérait imperceptiblement.
    –  Ne
bougez pas, chuchota-t-il sans se retourner. Il y a quelqu’un derrière nous.
    Un
bruit de feuilles froissées se fit entendre tout près d’eux, et le cœur de
Jeremy bondit dans sa poitrine. « Du calme, se raisonna-t-il, ce peut être
n’importe quoi. »
    De
nouveau, un froissement, dangereusement proche. Avant que Jeremy n’ait pu
réagir, Gabriel s’était jeté sur l’intrus. Un hurlement aigu vrilla les tympans
du journaliste qui fit brusquement volte-face, éberlué.
    –  Megan ?
    C’était
bien Megan, en effet, enveloppée dans une longue mante à capuche grise.
Gabriel, qui la tenait emprisonnée par les poignets, la relâcha en la
reconnaissant à son tour.
    La jeune fille se tourna
vers lui avec étonnement.
    –  Que faites-vous ici,
Gabriel ?
    –  C’est
plutôt à vous qu’il faudrait poser la question ! intervint Jeremy,
furibond.
    Megan s’agenouilla près
de lui.
    –  L’Astrum, dit-elle
simplement.
    Jeremy cilla mais garda
le silence.
    –  Je
sais que vous enquêtez sur l’Astrum, continua Megan,
j’ai vu le papier sur votre bureau au London City News. Je sais
aussi que, d’une manière ou d’une autre, l’Astrum est lié aux
meurtres de la Dame Noire. Et vous, Jeremy, que savez-vous ?
    –  Mais…
mais… balbutia le journaliste, saisi par tant d’aplomb, cela ne vous regarde
absolument pas ! Espérez-vous que je vais vous aider à me voler encore une
fois un article ?
    Rentrez
chez vous, Cassandra serait furieuse si elle vous savait ici.
    –  Elle
n’en saura rien, assura Megan avec désinvolture, elle est partie aujourd’hui
pour la France avec lord Ashcroft.
    À
ces mots, Gabriel tressaillit, mais personne ne lui prêtait attention.
    Les
sourcils froncés, Megan se tourna vers la statue de Wellington.
    –  Qu’attendez-vous depuis
tout à l’heure ?
    –  Rien
d’important, grommela Jeremy. Il