Le Livre D'émeraude : Les Aventures De Cassandra Jamiston
vers
lui.
– Voyez-vous
ce gant ? demanda-t-elle en agitant ses doigts devant les yeux de son
compagnon. Il est enduit d’un poison mortel de ma fabrication. Un soufflet, une
caresse, et c’est le trépas assuré dans la minute. Vous aurez l’occasion de le
vérifier par vous-même si vous ne cessez pas de contester mes décisions. Cela
étant dit, aviez-vous d’autres sujets à aborder avec moi aujourd’hui ?
« Elle
se moque de moi », pensa Walter, envahi par une colère subite. « Ne
la laisse pas jouer avec toi, que diable ! Montre-lui de quel bois tu te
chauffes. »
– Justement
oui, déclara-t-il avec toute la dignité dont il était capable. Certaines
questions me tracassent.
– Je vous écoute, fit
Angelia avec obligeance.
– Si,
comme vous me l’avez laissé entendre, vous détenez des informations sur les
meurtres de la Dame Noire, vous devriez les communiquer à la police. Il est
peut-être encore temps de vous racheter une conscience en contribuant à
l’arrestation de l’assassin…
Angelia lui sourit avec
indulgence.
– Mon
pauvre Walter, vous parlez de choses qui vous dépassent.
Elle
s’adressait à lui comme à un enfant, d’une voix patiente mais teintée
d’agacement.
– Du
reste, la police ne peut rien contre le responsable de ces crimes. Les meurtres
de la Dame Noire sont inéluctables. Nul n’a le pouvoir de s’y opposer…
Angelia
prononça ces derniers mots d’un ton si lugubre que Walter frissonna.
– Ne
vous en mêlez pas, conclut-elle, vous n’êtes pas de taille. Personne ne l’est,
ajouta-t-elle après une pause.
Walter
digéra ces paroles en silence, et l’on n’entendit plus que le claquement des
sabots des chevaux sur les pavés mêlé à la clameur assourdie de la rue.
– Où
comptez-vous aller exactement en Russie ? reprit-il. Au vu des relations
entretenues par ce pays avec l’Angleterre à l’heure actuelle, je doute que vous
puissiez y entrer facilement et vous déplacer là-bas à votre guise…
– Vous
soulevez en effet un point important, mais j’ai déjà trouvé une solution à ce
problème. C’est d’ailleurs l’objet de ma visite de ce matin.
– En
quoi la personne que vous allez rencontrer pourra-t-elle vous être utile ?
– Oh,
l’influence du prince Dimitri Kerenski est considérable dans son pays. Le
prince Kerenski est l’ambassadeur de Russie en Angleterre, précisa-t-elle en
réponse au coup d’œil perplexe de Walter.
Impressionné
malgré lui, celui-ci se pencha vers la jeune femme.
– Le connaissez-vous personnellement ?
– Je
ne l’ai jamais rencontré, mais par chance je possède des arguments susceptibles
de le convaincre.
– Par quel miracle…
– Nous sommes arrivés, le
coupa Angelia.
Walter
étouffa un soupir ; il semblait définitivement impossible d’avoir le
dernier mot avec elle. Il se pencha à la portière du fiacre et reconnut les
jardins du palais de Kensington. L’attelage s’était arrêté devant un opulent
hôtel de style Louis XIV à la façade ornée de stucs. Le portail était surmonté
des armes de la Russie impériale.
Seishiro
vint ouvrir la portière et aida Angelia à descendre. Puis il prit sa place sur
la banquette, dans le but évident de surveiller Walter en son absence. Celui-ci
n’y prit pas garde, trop occupé à suivre Angelia du regard avec une curiosité
teintée de fascination.
La
jeune femme sonna à la porte, et un valet en livrée lui ouvrit. Ils échangèrent
quelques mots, puis le domestique s’effaça pour la laisser entrer, et elle
pénétra dans la résidence du prince Kerenski avec autant d’aplomb que si elle
avait été chez elle.
Une
heure s’écoula sans qu’elle reparaisse. Le temps parut long à Walter, d’autant
que Seishiro ne cessa de le fixer d’un œil hostile. Walter en arriva à
regretter la compagnie d’Angelia.
Enfin,
la jeune femme ressortit de la résidence, l’air très satisfait d’elle-même.
– Nous
irons où nous voulons en Russie, annonça-t-elle en se rasseyant dans la
voiture, et nous aurons là-bas toute l’aide dont nous pourrons avoir besoin.
La
surprise de Walter se mua presque aussitôt en suspicion. Qu’avait-elle pu
offrir à l’ambassadeur pour obtenir si vite un tel résultat ? De l’argent,
il ne devait pas en manquer. Ou bien… Il considéra la mise somptueuse
d’Angelia, ses splendides atours, sa coiffure élaborée, et un horrible soupçon
lui
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