Le livre des ombres
les fenêtres pendant que Kathryn redescendait fermer la maison derrière Bogbean. De retour dans la salle, elle examina la serrure à l'intérieur de la porte.
— Quel est le mystère ? demanda Thomasina.
Kathryn indiqua la serrure.
—
Il y a un trou pour la clé à l'extérieur, comme pour les deux autres portes, fit-elle observer en montrant le fond de la salle. Cependant, quand Maître Tenebrae était dans cette pièce, lui seul pouvait ouvrir la porte.
Elle sourit à Thomasina.
—
Voilà le cœur du mystère. Personne ne pouvait pénétrer dans cette salle sans la permission de Tenebrae.
Thomasina gonfla ses joues et se tapota le front.
— Pouah ! Ça pue encore !
—
Descends à la cuisine, la pressa Kathryn, et trouve deux chiffons que tu imprégneras de vinaigre. Cela nous servira de bouquets de fleurs.
Thomasina obéit.
—
Je les ai saupoudrés avec des herbes, dit-elle en revenant, tendant l'un des linges à Kathryn.
—
Parfait. Maintenant fouille les autres pièces et vois ce que tu peux dénicher.
Maugréant dans sa barbe, la servante s'en alla en traînant des pieds.
—
Je ne trouve rien d'intéressant, cria-t-elle depuis le couloir. Des chambres à coucher, un petit parloir.
—
Continue à chercher, répliqua Kathryn la tête ailleurs, humant son morceau d'étoffe imprégné de vinaigre.
Avec les fenêtres ouvertes, la salle était moins macabre. Kathryn fut surprise de la découvrir aussi dépouillée. Il y avait un banc le long d'un mur, sinon à part quelques tapisseries sombres, les seuls meubles étaient la grande table de Tenebrae et le siège à haut dossier ainsi que le tabouret devant, pour les visiteurs. Kathryn contourna le bureau, évitant avec soin le siège où le cadavre était affalé, un peu plus tôt. Apparemment Morel avait tout conservé bien en ordre, en attendant le retour de son maître. Kathryn ouvrit un petit coffret, mais il ne contenait que des cartes de tarot, un mince rouleau de parchemin, une collection de plumes et une pierre ponce.
— Il doit y avoir quelque chose.
Elle alla examiner la porte par laquelle sortaient les clients du mage. Ils empruntaient ensuite le petit couloir et descendaient l'escalier. Mais Kathryn ne découvrit toujours rien. Néanmoins, en remontant l'escalier, l'odeur de pourriture était si tenace qu'elle ouvrit la fenêtre du couloir, libérant d'abord les contrevents, puis le châssis lui-même. Elle regarda alors dans la ruelle, les mains posées au rebord. La sensation qu'elle éprouvait sur les paumes la surprit, et elle examina de plus près l'appui de la fenêtre : deux endroits écartés d'environ quarante centimètres, le bois avait été abîmé...
Kathryn retourna dans le cabinet et prit une bougie de Tenebrae qu'elle alluma avant de la porter près de la fenêtre et d'examiner avec plus de soin ces deux marques. Cela fait, elle souffla la chandelle et regagna le bureau, tout en remuant son épaule froissée. Tristement, elle réfléchit à l'erreur qu'elle avait commise.
— N'oublie jamais, Swinbrooke, que c'est l'orgueil qui fait commettre des fautes, murmura-t-elle, et qu'il est la racine de tous les maux. J'aurais dû tout regarder avec plus de soin.
— Vous parlez toute seule ! lança Thomasina qui se tenait dans l'encadrement de la porte.
— Je m'adresse des reproches, répliqua Kathryn.
Je n'ai pas respecté le premier principe de tout médecin qui exige que l'on examine avec soin tous les symptômes avant d'en tirer des conclusions.
Elle se frappa la poitrine, comme l'on fait pour un acte de contrition, disant encore :
— Mea culpa, mea culpa.
— Eh bien, je n'y comprends rien, grommela Thomasina en avançant. Il n'y a rien à trouver ici, Kathryn, rien d'extraordinaire. Il n'y a que des vêtements, de la nourriture dans la dépense, du linge pour les lits, des meubles, bref, un simple bric-à-brac. Je croyais que Tenebrae était un homme fortuné.
— Oh, il l'était! fit Kathryn. Mais lui-même était aussi un mystère. Je parie qu'il possédait d'autres demeures entre ici et Londres, et que ce qu'il possédait de valeur y est bien caché. N'oublie pas, Thomasina, les sorcières et les mages mènent des vies dangereuses. Ils ne savent jamais s'ils n'auront pas à fuir au cœur de la nuit.
— Mais qu'en est-il des livres, des documents, des manuscrits? insista la servante. Car j'ai trouvé des plumes et des parchemins.
— C'est la même chose que pour l'argent et les objets de
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