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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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valeur. Le Livre des ombres était le bien le plus précieux de Tenebrae. Il y consignait tout.
    Thomasina promena son regard dans la pièce.
    — Je me demande d'où il venait, ce mage. Je vis à Cantorbéry depuis des décennies, Maîtresse. A une époque Tenebrae n'y était pas. Et puis, telle une fumée noire, il est arrivé, et tout le monde a ressenti sa présence.
    Elle s'approcha pour regarder Kathryn d'un œil insistant.
    — Dites-moi, Maîtresse, quelle est l'erreur que vous avez commise?
    — Je vais le découvrir, répliqua Kathryn en se dressant. Thomasina, je te demande de fermer les fenêtres et les contrevents.
    Elle tira de sa bourse un morceau d'amadou et le tendit à la servante.
    — Ensuite tu allumeras les torches et les chandelles.
    Thomasina frissonna.
    — Doux Jésus, cet endroit est malsain, Maîtresse, nous ferions mieux de partir.
    Néanmoins, devant le visage déterminé de Kathryn, elle obéit à regret. En quelques minutes la salle était transformée. L'air et la lumière n'y pénétraient plus, et cierges et bougies brillaient en vacillant, comme pour accueillir le retour des démons. Les ombres dansaient, les flammes grésillaient.
    Kathryn leva les yeux sur le capricorne de Mendes, peint au plafond.
    — C'est
    vraiment
    l'antre
    de
    l'enfer,
    murmura-t-elle, mais regarde, Thomasina. Vois les cercles de lumière que créent les torches et les chandelles. A présent, dis- moi : si tu voulais dissimuler un cadavre pour que les visiteurs ne le voient pas, où le mettrais-tu ?
    La nourrice chercha du regard avant de demander :
    — Je pénétrerais par cette porte pour m'asseoir sur le tabouret, n'est-ce pas?
    Elle indiqua ensuite l'angle où il faisait le plus sombre, juste à côté de la porte.
    — C'est là que je le cacherais. Les visiteurs ne le verraient pas en entrant, puis ils prendraient place en lui tournant le dos pendant que Tenebrae leur parlerait. Enfin ils s'en iraient par l'autre porte.
    — J'en conviens, admit Kathryn, mais voyons si notre hypothèse résiste à l'examen.
    Elle aida Thomasina à ouvrir les fenêtres, et disposa les bougies dans le coin qu'avait désigné celle-ci. Puis elle s'agenouilla pour scruter avec attention les lattes de bois du plancher.
    — Ah, s'exclama-t-elle, nous y sommes ! Regarde, Thomasina.
    Kathryn approcha une bougie et laissa des gouttes de cire tomber à côté des taches couleur de rouille qu'elle avait découvertes. Elle gratta celles-ci soigneusement du bout de son ongle puis se releva et alla à la fenêtre.

    — C'est du sang, annonça-t-elle.
    — Celui de qui ? interrogea Thomasina.
    — De Maître Tenebrae, bien sûr, fit Kathryn qui secoua la tête comme si elle n'y croyait pas. Et maintenant, nous avons toutes les pièces. Mais il faut les emboîter les unes dans les autres, c'est cela qui compte.
    Un court moment après, avec sa servante, elle quittait la maison du mage pour rentrer précipitamment à Ottemelle Lane. Leur arrivée provoqua un fort remue- ménage, car Agnes et Wuf eurent peur en voyant l'état de Kathryn. Le coup qu'elle avait à la joue était clairement visible, maintenant, et Wuf, tout excité, indiqua sa robe salie et déchirée.
    — Ce n'est rien, déclara Thomasina tandis que Kathryn montait en hâte à l'étage, rien qu'un individu pervers et stupide.
    — Je le tuerai ! s'écria Wuf. Avec mon épée. C'était le géant, pas vrai? Celui que j'ai vu parler à Kathryn en haut de la rue?
    Dans sa chambre, Kathryn s'assit par terre, le dos à la porte, et croisa les bras autour de son corps.
    Elle demeura un moment ainsi, les yeux fermés, se berçant doucement tout en essayant d'oublier la violence de Morel. Il ne l'avait pas vraiment terrifiée. Elle était moulue, un peu craintive, mais l'incident avait remué dans son âme d'autres cauchemars : Alexander Wyville, son mari, cet ivrogne larmoyant qui agitait les bras comme les ailes d'un moulin quand il s'en servait pour battre sa femme ou se ruer sur elle. Kathryn songea à ses potions que l'on pouvait utiliser pour déclencher le sommeil ou calmer les humeurs de l'esprit. Elle fut tentée de redescendre pour aller en chercher, mais se souvint des mots d'un ami de son père, vénérable médecin : « Laisse la peur disparaître toute seule : il n'est rien qu'un bon verre de vin et une nuit de profond sommeil ne puissent guérir. »
    Kathryn sourit.
    — Medice, cura te ipsum, murmura-t-elle.
    Médecin, soigne-toi toi-même. Eh bien, non,

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