Le livre du cercle
viendront. Nous leur
avons mis un coup en pillant leurs villes et leurs villages, mais il faut faire
chuter une de leurs principales forteresses si nous voulons vraiment leur faire
mal.
Il
serra le poing d’un air exalté.
— Je
leur prouverai qu’aucune forteresse n’est imprenable et qu’aucun chevalier
n’est intouchable.
Omar
s’approcha de lui et posa la main sur son épaule.
— Je
sais que tu y parviendras, seigneur.
Il y
eut quelques instants de silence, après quoi Baybars posa sa main sur celle
d’Omar.
— Viens,
il est l’heure.
Le
jour se levait sur la vallée du Jourdain quand ils quittèrent le pavillon. Ils
rejoignirent le régiment bahrite, grimpèrent sur leurs chevaux et cavalèrent
jusqu’aux troupes déjà en ordre de bataille. En les voyant arriver, tous les
soldats se tournèrent vers Baybars, l’Arbalète. Debout sur ses étriers, il
dressa son sabre vers le ciel, sa cape dorée claquant au vent.
Safed, royaume de
Jérusalem,
19 juillet 1266
après J.-C.
James
se trouvait sur les murs extérieurs avec une compagnie quand il vit le sultan
arriver vers son armée en rangs serrés.
— Tenez-vous
prêts ! hurla-t-il à l’intention des hommes autour de lui.
Les
archers tendirent leurs arcs et commencèrent à viser les troupes en contrebas.
Les soldats syriens à qui on avait confié le maniement d’un mangonneau
resserrèrent leur prise sur les cordes qui actionnaient le madrier. Quand les
premiers rayons du soleil apparurent à l’est, la chaleur les submergea
immédiatement. James regarda vers le sud pour observer les montagnes prendre
une teinte rose, puis ocre. D’ordinaire, ces levers de soleil le remplissaient
d’une joie intense : il éprouvait réellement le sentiment de se trouver sur les
terres de Dieu et de voir un miracle se déployer devant lui. Mais aujourd’hui,
on aurait dit que les montagnes au loin formaient un mauvais présage. Là-bas,
soixante-dix ans plus tôt, sous deux immenses pitons rocailleux qu’on appelait
les Cornes de Hattin, les forces musulmanes avaient défait l’armée chrétienne.
Un peu plus au sud avait eu lieu la bataille de la Forbie, une autre défaite
des chrétiens. De chaque côté s’étendaient des champs, des villes, des rivières
et des gués où leurs régiments avaient été réduits en miettes par les
défenseurs de l’Islam.
James
croisa le regard de Mattius, qui se tenait à quelque distance de là sur le
chemin de ronde, avec une autre compagnie. Mattius leva son épée. James lui
retourna son salut puis se força à se concentrer de nouveau sur l’armée qui
leur faisait face.
. —
Que Dieu soit avec nous, murmura-t-il.
Mais
ses mots furent noyés par le rugissement apocalyptique des soldats mamelouks
répondant au cri de ralliement de leur sultan. Puis le premier assaut vint
s’écraser comme une tempête contre Safed.
Les
Mamelouks approchèrent les mandjaniks en protégeant leurs positions par des
rafales, de tirs d’archers, auxquelles répondaient les flèches chrétiennes. Des
deux côtés, les pointes fendaient les airs et pleuvaient partout avec une
densité effrayante. James se pencha pour en éviter une, qui franchit le parapet
et alla se fracasser sur le mur juste derrière lui. Après les flèches, ce fut
au tour des boulets. Les madriers des mandjaniks s’élevaient à toute vitesse et
venaient frapper les poutres, envoyant dans les airs des projectiles qui
retombaient lourdement à travers la forteresse. Plusieurs missiles percutèrent
les murs de plein fouet et explosèrent sur le coup, ou bien se brisèrent plus
bas sur les rochers. L’un d’eux percuta cependant une tourelle d’angle à une
hauteur et à une vitesse vertigineuses et James, bien qu’il fût hors de portée,
sentit la muraille trembler sous ses pieds. Dans sa chute, la pierre emporta
avec elle une petite partie de la tourelle. James vit alors certains des
soldats qui se trouvaient à l’intérieur, dans l’escalier, tomber par
l’ouverture. Le bois de la charpente et les hommes s’écrasèrent quelques
dizaines de mètres plus bas. James serra les poings en voyant un sergent qui n’était
encore qu’un enfant tomber dans le vide en criant et, au moment de l’impact, il
ferma les yeux. Il aurait voulu hurler par-dessus les remparts et dire à tout
le monde de s’arrêter. Mais tout espoir de négocier était vain en cet instant.
Ils étaient lancés dans la bataille et chacun luttait pour sa
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