Le livre du cercle
Jérusalem,
19 juillet 1266
après J.-C.
Furieux,
Baybars arracha son ceinturon en entrant dans le pavillon. Son regard tomba sur
les eunuques qui s’approchaient pour le débarrasser de sa cape.
— Sortez
de là ! grogna-t-il, menaçant.
— Seigneur,
dit Omar en regardant Baybars grimper d’un bond sur l’estrade et s’asseoir sur
le trône en posant les mains sur les têtes de lion en or. Tout n’est pas perdu,
seigneur. C’est seulement notre troisième assaut.
— Je
voulais en avoir fini aujourd’hui.
— Leurs
murailles sont épaisses.
— Si
nos engins n’avaient pas été touchés, Safed serait tombé.
Baybars
tapotait du bout des doigts les têtes de lion.
— Ils
ont bien exploité leurs forces, reprit-il en secouant la tête. Comme un porc
utilise les moyens de défense qui sont les siens.
— La
colline est connue pour être criblée de tunnels. Peut-être y aurait-il moyen de
les tuer de l’intérieur.
— Non,
cela prendra trop de temps de creuser des galeries pour passer sous les
murailles. Nous devons contourner ce porc, plutôt que de nous faire malmener
une fois de plus. Nous allons trouver son point faible et frapper.
Il
se leva et redescendit de l’estrade.
— Et
j’ai une petite idée de ce qu’est leur point faible.
Baybars
se dirigea vers l’entrée du pavillon.
— Convoque
les généraux, ordonna-t-il à l’un des Bahrites qui montait la garde. Et fais
venir les hérauts.
Safed, royaume de
Jérusalem,
19 juillet 1266
après J.-C.
James
sursauta quand le médecin syrien retira le fragment de pierre fiché dans son
bras. La blessure avait déjà commencé à se refermer et un sang épais coula de
la plaie. Le médecin lui tendit un tampon en lin et l’abandonna à son sort. La
cour sur laquelle donnait l’infirmerie était pleine de soldats qui parlaient
avec animation. La plupart de leurs blessures étaient mineures : abrasions,
brûlures, égratignures diverses. Les plus sévèrement touchés se trouvaient déjà
dans l’infirmerie. James attacha le tissu à son bras pour juguler l’hémorragie.
Puis il s’assit contre le mur et prit entre ses doigts le fragment de pierre
que le médecin lui avait ôté.
— Tu
devrais le garder, dit Mattius en lui tendant une cruche de vin. Rapporte-le
chez toi, tu pourras le montrer à tes petits-enfants.
James
sourit et le fourra dans la bourse à sa ceinture.
— Je
le donnerai à mon fils.
Il
s’allongea, la tête reposée en arrière, et regarda le ciel d’un bleu profond,
presque parfait. L’après-midi avait été occupé à déblayer les gravats, à
transporter les blessés dans l’enceinte intérieure, à évaluer les dégâts et à
superviser les réparations. Il serait volontiers resté sur les remparts, mais
Mattius l’avait menacé de le porter sur ses épaules jusqu’à l’infirmerie s’il
n’y allait pas de son plein gré. Depuis la bataille, le seul signe de vie
provenant du camp Mamelouk était la scansion lancinante des prières.
Le
manteau de James était couvert de sang. Il n’avait qu’une seule envie : se
retirer dans ses quartiers. Mais il restait encore beaucoup à faire. Après les
vêpres, Mattius et lui prendraient le premier tour de garde sur les murs.
— Vous
croyez qu’ils nous attaqueront ce soir ?
James
vit que les yeux du soldat syrien qui venait de poser cette question étaient
remplis d’effroi.
— Non,
répondit-il à l’homme, il va leur falloir quelques jours pour se regrouper et
organiser leur prochain assaut.
Puis
il leva les yeux en entendant qu’on l’interpellait. Le commandeur marchait dans
sa direction, accompagné par six chevaliers. En voyant le visage décomposé du
commandeur, James se mit sur ses pieds.
— Nous
avons des problèmes, murmura celui-ci en arrivant à côté d’eux.
— Que
se passe-t-il, maître ? demanda Mattius, qui se tenait derrière James.
Le
commandeur regarda autour de lui. Des soldats syriens discutaient entre eux.
Quand il reprit la parole, sa voix n’était plus qu’un filet à peine audible.
— Baybars
a envoyé un héraut. Il offre une amnistie sans condition à tous les soldats nés
sur ces terres qui se rendraient à lui. Il leur a donné deux nuits pour décider
de partir en toute liberté. Sinon, il leur promet qu’ils nous accompagneront
dans la mort.
— Par
le Christ et tous les saints ! marmonna Mattius.
— Dans
l’heure qui vient, continua le commandeur, tout le monde aura
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