Le livre du cercle
retrouver Baybars, le général
mamelouk, pour combattre l’armée des Francs qui s’était dressée contre lui.
Caché sur les remparts, Hasan les avait regardés partir. A l’avant-garde, son
père criait, ivre de sang. Ce soir-là, alors qu’il errait, hébété, à travers la
ville, il était tombé sur Everard. Et le déserteur avait décidé de se livrer au
prêtre.
Quand
Everard était reparti vers l’Ouest, Hasan l’avait accompagné. Le prêtre l’avait
rempli de l’espoir qu’il pouvait encore faire quelque chose sur cette terre qui
changerait la face du monde. En terre chrétienne, il avait passé son temps sur
la route à amasser des informations, des documents et des secrets. Toujours en
mouvement, marchant comme une ombre, dormant une nuit dans une grange, une
autre en plein champ, Hasan croyait de tout son être au rêve de l’Anima Templi.
Ces derniers temps, toutefois, il avait commencé à rêver d’avoir un endroit à
lui, même une simple chambre, qui serait remplie de ses souvenirs et de ses
silences. Il avait eu une femme, en Syrie. Il se demandait parfois à quoi
ressemblerait sa vie s’il ne l’avait pas abandonnée. À quoi ressemblait son
enfant.
La
porte s’ouvrit et Everard entra, une cruche pleine à la main.
— Ces
fichus domestiques, qui essaient de faire passer une piquette locale pour un
vin de Gascogne.
Hasan
remarqua que le prêtre avait l’air plus fringant qu’avant de partir. Ses
mouvements semblaient plus légers.
— Que
se passe-t-il ?
Everard
se tourna vers lui, le sourire aux lèvres.
— Je
viens d’avoir une idée.
Chapitre 22
Le palais royal,
Paris
27 octobre 1266 après
J.-C.
Elwen
traversa la chambre et s’assit au bord du lit qu’elle partageait avec une autre
dame de compagnie. Elle regarda autour d’elle pour vérifier que la pièce était
vide, puis elle glissa une main dans la poche de son tablier pour y récupérer
sa prise. Elle leva la main à hauteur de ses yeux en tenant la perle entre le
pouce et l’index. Sur sa surface lisse venait jouer un rayon de lumière. Elle
avait découvert la perle le matin même, tandis qu’elle attendait la reine. Elle
s’était logée entre deux dalles sur le sol de la chambre. Sans doute était-elle
tombée d’une des robes de sa maîtresse. La reine examinait dans son miroir
d’argent les tresses et le chignon compliqués qu’elle venait de réaliser, et
Elwen en avait profité pour la ramasser discrètement. Elle n’avait pas pensé
qu’elle commettait un vol. Elle croyait savoir de quelle robe venait la perle,
et il y en avait bien une centaine d’autres qui ornaient les plis de la riche
étoffe comme autant de petits yeux. Personne ne s’apercevrait qu’il en manquait
une.
Elwen
se pencha et tira de sous le lit un long coffre en bois peint en noir et décoré
de fleurs d’argent. Elle l’avait repéré un an plus tôt sur le marché, et il lui
avait fallu économiser pendant deux mois pour se l’offrir. Quand elle était retournée
à l’étal du marchand, elle avait eu peur que quelqu’un d’autre l’ait acheté entre-temps.
C’était le seul luxe qu’elle se fût jamais permis. Tout le reste de ce qu’elle
gagnait allait directement dans son pécule, elle n’en dépensait pas un sou, thésaurisant
pour pouvoir un jour se rendre en Terre sainte. Elle était transportée par les
histoires que racontaient les nobles de passage à la cour, des histoires
qu’elle entendait par hasard pendant qu’elle brodait une des robes de la reine,
ou qu’elle changeait les plumes d’oie des coussins en soie du boudoir. Parmi
les dames de compagnie et les domestiques, elle était la seule à désirer se
rendre en Terre sainte et personne ne comprenait vraiment pourquoi elle le
voulait tant. Si ce n’était pas pour le pèlerinage, lui demandait-on, alors
pourquoi y aller? Elwen était incapable de l’expliquer par de simples mots.
Elle en ressentait le désir irrépressible, c’était une pulsion. Quelqu’un lui
avait noué une corde aux entrailles et l’attirait inexorablement vers l’Orient.
Cette pulsion était toujours plus forte en cette période de l’année, avec le
brouillard et le froid qui s’enroulaient sur les tours du palais comme des
linceuls.
Elle
s’accroupit devant le coffre et ôta la chaîne qu’elle portait autour du cou et
à laquelle pendait une petite clé. Le verrou s’ouvrit avec un léger déclic et
elle souleva le couvercle. A
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