Le livre du cercle
Omar, mais je suis l’Arbalète. Je peux
porter mes coups plus loin. Ce que je veux construire, c’est un avenir libéré
de l’influence occidentale.
— Combattre
les armées de la Chrétienté le prouve assez. Mais comment lutter contre son
influence ? Comment réduire à néant quelque chose d’aussi ténu ?
— C’est
tout simple. Demain, je donnerai l’ordre de fermer toutes les tavernes d’Alep.
Puis je ferai bannir les prostituées. Qu’on les expulse en les laissant à la
merci du désert, je ne m’en émouvrai pas.
Baybars
redescendit les marches vers les balcons donnant sur la cour.
-—
Mais nos hommes se sont habitués à toutes ces choses, plaida Omar en se
dépêchant de le suivre.
— Eh
bien, ils s’habitueront à leur absence. Allah ne tolère pas qu’on boive.
— Et
les femmes ? Les hommes ont besoin de... se détendre. Mieux vaut que leurs
désirs les plus vils soient satisfaits par les Occidentales que par nos femmes.
— Les
hommes du peuple devraient se concentrer un peu plus sur leur travail et sur
leur épouse. Quant aux soldats et aux officiers, ils disposent des esclaves.
— Beaucoup
d’esclaves sont des femmes de l’Ouest. Est-ce que ça ne revient pas au même ?
Baybars
s’arrêta net.
— Les
esclaves ne sont pas libres de se promener dans nos rues et d’exercer leur
commerce, répondit Baybars d’une voix inflexible. Ils sont sous notre contrôle,
c’est toute la différence. De plus, après le conseil de ce soir, nos soldats
auront des choses plus importantes sur lesquelles porter leur attention.
— Tu
veux toujours annoncer ton plan d’action aux généraux ? Je te le déconseille
fortement. En ami. Les hommes reviennent à peine de campagne. Il leur faut du
temps pour se remettre et savourer leur victoire. Tu dois attendre.
— Nous
n’avons pas de temps à perdre, Omar. Après Safed, les Francs vont vouloir se
venger, ça ne fait aucun doute. Je propose de frapper avant, pour les empêcher
de rassembler des forces suffisantes. Je veux les voir ramper au sol sans avoir
l’occasion de se défendre. Nous devons les assommer.
— Mais
ce que tu proposes d’attaquer, c’est... gigantesque, dit Omar d’une voix
hésitante.
Avant
que Baybars ait pu répondre, ils entendirent des bruits de pas dans le couloir.
Une jeune femme arriva vers eux en courant, ses cheveux foncés volant sur ses
épaules. Un petit garçon lui tenait la main et tentait désespérément de suivre
le rythme. À leurs trousses étaient lancés deux guerriers bahrites. La femme
s’arrêta devant Baybars et Omar. Le garçon respirait bruyamment et regardait
derrière lui, les yeux remplis de crainte, les deux guerriers qui se tenaient à
une distance respectueuse. Le garçon renifla et s’essuya le nez sur la manche
de la tunique d’or jaune qu’il portait. Baybars fixait son vêtement. Il
suspectait que le tissu était le même que celui de sa propre cape.
— Dis
à tes chiens de se calmer, lança sèchement la femme. Je veux parler avec toi.
— Toutes
mes excuses, seigneur, dit l’un des gardes. Nous savons que vous ne voulez pas
être dérangé mais nous n’avons pas pu l’arrêter.
Baybars
les renvoya d’un signe de la tête et se tourna vers sa femme.
— Que
me veux-tu, Nizam ?
— Je
veux que tu passes plus de temps avec ton fils.
Comme
elle poussait l’enfant vers lui, Baybars recula. Baraka Khan, âgé de six ans,
avait le nez morveux et des larmes perlaient au coin de ses yeux en amande,
pareils à ceux de sa mère. Ses cheveux retombaient en boucles brunes et humides
sur son front et il tordait sa lèvre inférieure en une moue têtue. Tout en
lançant un regard noir à sa femme, Baybars lui sourit et lui passa la main dans
les cheveux. Baraka Khan grimaça encore plus et s’accrocha à la jambe de sa
mère. Baybars éclata d’un rire franc, prit le garçon dans ses bras et le fit
tournoyer en l’air, dans tous les sens, comme il avait vu de nombreux soldats
le faire avec leurs propres fils. D’ordinaire, les enfants criaient de
ravissement et en demandaient toujours plus, mais son fils, à sa grande
déception, se mit à hurler. Baybars remit le garçon à l’endroit, le posa et lui
tapota le dos.
— Reste
avec ta mère, puisque c’est comme ça.
Il
se redressa et planta ses yeux dans ceux de Nizam.
— Qu’est-ce
qu’il porte ? dit-il en désignant la tunique d’or jaune semblable à la sienne.
Il
se sentait embarrassé sans vraiment
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