Le livre du cercle
savoir pourquoi.
— Je
l’ai fait habiller comme toi, répondit Nizam en repoussant la main de Baybars
et en prenant le garçon dans ses bras.
Elle
le berça doucement en tentant de l’apaiser par des paroles rassurantes, puis
elle toisa de nouveau Baybars, ses lèvres si sensuelles closes en une
expression de rage froide.
— Comme
il convient à l’héritier du trône, ajouta-t-elle.
Baybars
sentit la colère l’envahir. Il lui reprit l’enfant et le posa par terre, où celui-ci
se mit immédiatement à pousser des hurlements. Omar faisait semblant d’étudier
attentivement l’une des tapisseries du couloir. Baybars attrapa Nizam par le
bras et la poussa contre une grande fenêtre qui donnait sur la cour. Comme sa
femme se tenait en pleine lumière, il s’aperçut que la robe blanche qu’elle
portait était presque transparente. Il pouvait voir le dessin de ses hanches,
de ses jambes brunes et graciles, ainsi que le galbe de ses seins. Il détourna
le regard.
— Quand
Baraka Khan sera assez grand, il se tiendra à mes côtés, en guerrier et en
héritier. Mais tant que ce jour ne sera pas venu, occupe-t-en.
— Je
veux un autre fils, Baybars, murmura Nizam. Tu n’es pas seulement un soldat et
un sultan, tu es aussi un mari et un père. Ne néglige pas tes devoirs envers
moi.
Baybars
reporta ses yeux vers elle.
— Je
t’accorde le temps que je peux t’accorder. Je pourrais avoir des centaines
d’esclaves, mais je ne le désire pas.
— Et
les traiterais-tu comme tu me traites ?
— Tu
as des palais, des robes sublimes, des domestiques. Je te traite comme il faut,
Nizam.
— N’importe
quoi plutôt que l’indifférence. Un sultan devrait avoir plus d’un successeur,
Baybars. Accomplis ton devoir envers moi et je te donnerai un autre héritier.
Le
sultan s’appuya contre le mur et ferma à demi les yeux. Mener une guerre était
bien plus facile que combler une femme : elles étaient aussi rusées que les
serpents et aussi complexes que les étoiles. Il redoutait les rencontres avec
sa femme à cause de l’inévitable fatigue qu’elles lui procuraient. Sa première
femme, morte en donnant naissance à une fille, était tout aussi exigeante que
celle-là, mais elle n’était pas aussi maligne. Sa troisième femme, Fatima, ne
lui ayant donné aucun enfant pour le moment, Nizam était consciente d’être en
position de force. Mais Baybars, bien qu’il lui fût reconnaissant pour le fils
qu’elle lui avait donné, n’était jamais parvenu à l’aimer. Et cela ne le
perturbait qu’en sa présence.
— Je
viendrai te voir bientôt, murmura-t-il. Pars, maintenant. Laisse-moi.
Les
yeux de Nizam se rétrécirent. Elle ouvrit la bouche comme pour ajouter quelque
chose, mais elle se retint. Finalement, elle prit une profonde inspiration et
hocha la tête.
— Bientôt,
répéta-t-elle.
Puis
elle se tourna, prit le garçon qui continuait à geindre par la main et
s’engouffra dans le couloir.
Baybars
les regarda partir et réalisa que ce n’était pas les vêtements de Baraka Khan
qui l’embarrassaient, mais le garçon lui-même.
Les
fils de ses généraux, et même certaines de leurs filles, jouaient à grimper aux
arbres et à se battre à l’épée. Quand ils s’asseyaient à la madrasa, ils
écoutaient attentivement les leçons et étaient capables de réciter des passages
entiers du Coran. En comparaison, son fils semblait n’avoir aucune aptitude ni
aucun intérêt pour les performances d’athlète, et encore moins pour les choses
de l’art et de l’étude. Baybars se dit tristement que la faute lui en revenait.
Il avait trop longtemps laissé ce garçon au harem. Nizam avait raison. Il avait
besoin d’être entouré d’hommes, de guerriers. Lui n’avait pas le temps
d’éduquer un enfant.
—
Omar, je veux que tu trouves un précepteur pour Baraka.
Chapitre 26
Le Temple, Paris
2 novembre 1266 après
J.-C.
— As-tu
entendu parler de Gérard de Ridefort ? demanda Everard.
Will
poussa un profond soupir et se retourna, mais sans fermer la porte de la
cellule.
— C’était
un grand maître du Temple, il y a environ un siècle. Pourquoi me parlez-vous de
lui ?
— Assieds-toi,
lui ordonna Everard en lui indiquant le tabouret.
Voyant
que Will ne bougeait pas, il fronça les sourcils.
— Tu
veux que je te raconte tout, oui ou non ?
Will
ferma la porte et s’assit.
— Si
tu répètes ce que je vais te dire maintenant, dit Everard en vidant
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