Le livre du cercle
sa coupe et
en fixant Will de ses yeux injectés de sang, je jure par Dieu, Jésus et tout ce
qu’il y a de sacré en ce monde que je te tuerai de mes propres mains.
Sentant
des frissons le parcourir, il remonta la couverture.
—
Gérard de Ridefort fut admis dans le Temple après plusieurs années en Terre
sainte en tant que chevalier de Raymond III, comte de Tripoli. J’ai entendu
parler de lui pour la première fois quand je suis entré dans l’Ordre, il y a
plus de cinquante ans. D’après ceux qui l’avaient connu, Ridefort est arrivé au
Temple plein de rancune contre le comte Raymond, qui n’avait pas tenu sa
promesse de lui attribuer un domaine. Ridefort, d’après ce qu’on m’a dit, était
un homme agressif et irascible avec une haute opinion de sa propre importance
et pour le Temple, et pour le monde en général. C’est son arrogance,
probablement, et l’autorité apparente dont s’affublent souvent de tels
tempéraments, qui contribuèrent à son ascension dans la hiérarchie de l’Ordre.
Quoi qu’il en soit, le chapitre général réuni à Jérusalem, alors aux mains des
chrétiens, choisit de le nommer grand maître à la mort de son prédécesseur.
« Un
an plus tard, le roi de Jérusalem mourut. Son neveu, qui devait lui succéder,
n’était qu’un enfant. Il fallut désigner un régent pour protéger les intérêts
du jeune roi, et ce fut Raymond III, comte de Tripoli et ancien seigneur de
Ridefort. Quelque temps après, le pouvoir du comte sur le trône fut affaibli
par la mort du jeune roi, qui ne laissait aucun héritier après lui, à
l’exception de sa mère, Sybille, une princesse mariée à un chevalier français
et dont le droit à la succession était douteux. Il se trouva néanmoins de
nombreuses personnes pour soutenir ses prétentions et elle fut rapidement
portée, avec son mari, Guy de Lusignan, sur le trône de Jérusalem, le plus
puissant des quatre États chrétiens d’Outremer. Son plus ardent partisan
n’était autre que Gérard de Ridefort, ravi d’aider à dépouiller Raymond de
toute prise sur la couronne.
« À
cette époque, nos forces avaient conclu une trêve avec le chef des musulmans,
Saladin. Mais la trêve fut violée par un des partisans de la nouvelle reine qui
attaqua une caravane arabe, et la paix fut remise en question.
Everard
toussa bruyamment et tendit sa coupe vide. Will lui versa du vin. Quand il se
fut éclairci la gorge, Everard continua.
— Le
comte Raymond qui, à la différence de Ride-fort, était un homme lettré, au fait
des coutumes arabes, cherchait à maintenir la trêve avec Saladin. Furieux après
l’attaque sur ses voies de commerce, Saladin accepta de négocier à condition
que le comte autorise son fils à traverser avec un bataillon de soldats
égyptiens le territoire qu’il possédait en Galilée. Raymond accéda à sa requête
et ordonna à ses gens de ne pas attaquer la compagnie de musulmans. Mais une
troupe qui voyageait dans la région, à la demande de Ridefort et du grand
maître des Hospitaliers, attaqua par surprise les Égyptiens, au mépris des
ordres donnés par Raymond.
« On
dit que les Égyptiens étaient presque sept cents. Ridefort et le grand maître
hospitalier disposaient de cent cinquante chevaliers à eux deux. D’après l’un
des survivants, les Hospitaliers voulaient se retirer, mais Ridefort se moqua
de leur maître, le faisant passer pour un couard, et il décida de l’issue de
leurs palabres en lançant ses hommes à l’assaut des troupes égyptiennes.
Ridefort fit partie des trois hommes qui s’en sortirent vivants. Le grand
maître des chevaliers de Saint-Jean tomba. Ce jour-là, ce fut un coup dur pour
nos deux Ordres.
— Nos
deux Ordres ? interrogea Will quand Everard fit une pause pour boire une
gorgée. Ce n’est pas pour parler comme un mercenaire, mais les Hospitaliers ne
sont pas vraiment nos plus proches alliés.
— Alors,
c’est que tu ne connais ni l’Histoire, ni la Règle. Quelle bannière dois-tu
rallier si la nôtre vient à tomber au cours d’une bataille ?
Everard
n’attendit pas la réponse.
— La
bannière de Saint-Jean. Non, sergent, nous sommes alliés depuis de nombreuses
années en dépit de nos différences, ou plus exactement en dépit de nos
similitudes. Et nous aurions une relation bien...
Il
s’arrêta et son visage se renfrogna.
— Tu
veux entendre ce que j’ai à te dire? Alors, ne m’interromps plus !
Will
resta silencieux en
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