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Le livre du cercle

Le livre du cercle

Titel: Le livre du cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robyn Young
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enthousiasme.
    Il
ne partageait pas l’obsession d’Elwen pour les romans.
    — Il
a déjà eu un grand retentissement dans le Sud. Il évoque des choses, disons,
peu conventionnelles.
    Elwen
brossa ses jupons pour ôter l’herbe qui s’y était accrochée.
    --Je
pense que ce sera une soirée intéressante.
    Ils
redescendirent le champ en silence. Comme ils s’approchaient de la ville, la
route s’emplit de charrettes et de cavaliers dont les roues et les sabots
soulevaient des nuages de poussière. La route filait au nord vers l’abbaye de
Saint-Denis, la nécropole royale où les rois étaient inhumés depuis Dagobert I er .
Will et Elwen marchèrent sur le bas-côté pour éviter une charrette tirée par
des bœufs qui cahotait en remontant face à eux. Ils la contournèrent,
dépassèrent quelques fermes, des vignobles à l’odeur plaisante, un grand
domaine, deux petites chapelles et un hôpital.
    Les
murs de la ville avaient été construits soixante-dix ans auparavant, pendant le
règne de Philippe Auguste. Depuis cette époque, Paris s’était développé en
dehors de l’enceinte, dans la campagne environnante. Devant la porte
Saint-Denis, il y avait toujours une nuée de vagabonds. Les gardes observaient
avec méfiance ces hommes en guenilles s’insinuant constamment entre les
charrettes et les chevaux et tendant leur sébile aux gens qui faisaient la
queue pour entrer ou sortir de la ville. Will et Elwen se mirent dans la file.
    — Saleté
de mendiants.
    Will
se retourna pour voir qui avait parlé. C’était un homme corpulent, en manteau
pourpre, qui jetait des regards furieux aux gueux attroupés là. L’homme parlait
la langue d’oïl, celle du nord du royaume de France. Will en avait assez appris
pendant son séjour à Paris pour comprendre ce qu’il disait. L’homme continuait
à jeter des invectives et il aurait préféré n’en rien connaître.
    — On
ne peut pas faire un pas de nos jours sans être harcelé par des crève-la-faim,
des miséreux de cette espèce, pestait l’homme bedonnant aux bajoues bien
pleines. Qu’ils soient maudits !
    Plusieurs
personnes dans la queue se retournèrent. Voyant qu’il captait l’attention de
son auditoire, il se lança dans une diatribe effrénée contre les brigands, les
prostituées et les paresseux qui selon lui ruinaient la ville autrefois
prospère et rayonnante.
    Will
détourna le regard. S’il avait été chevalier, il n’aurait pas eu à attendre. Il
aurait dépassé tous ces gens et serait passé sans encombre, on ne lui aurait
pas posé une seule question. Il se mordit les lèvres et continua à ruminer
cette pensée. Depuis quelque temps, tout semblait vouloir lui rappeler combien
son statut était misérable.
    Célébrant
ses dix-huit ans, il avait eu alors le sentiment de n’avoir franchi que la
première étape d’un très long chemin. Au mois de janvier qui avait suivi, un an
et un jour plus tard, il avait cru que son attente allait prendre fin. Mais
cela faisait maintenant six mois et il était toujours le secrétaire d’un vieux
prêtre. Il endurait toujours la punition que lui avait value la violation du
Sacrement des années plus tôt. Au fil du temps, il s’était de moins en moins
plaint des corvées qu’Everard lui infligeait, aussi insignifiantes, pénibles ou
ennuyeuses soient-elles. Il se contentait de les accomplir. Mais demander à
Everard pourquoi il n’avait pas été mis sur la liste des candidats à
l’initiation, voilà qui ressemblait à exiger d’un mur qu’il réponde à ses
questions. Pour finir, il avait arrêté de quémander. Chaque journée qui passait
augmentait sa frustration un peu plus : quand il allait se coucher avec les
autres sergents tandis que ses camarades se retiraient dans le quartier des
chevaliers ; quand il s’agenouillait sur le sol de la chapelle et qu’il voyait
ses amis assis un peu plus loin sur les bancs; quand il allait prendre ses
repas et qu’il devait manger leurs restes.
    Ils
franchirent la porte et suivirent la foule dans la rue Saint-Denis. Celle-ci
était encombrée de marchands et d’amuseurs publics se disputant l’attention des
passants. C’était le jour de la foire aux bestiaux et l’odeur du fumier
empuantissait l’atmosphère jusqu’à la nausée. Habitant à l’extérieur des murs
dans l’isolement relatif de la commanderie, Will avait tendance à oublier à
quel point la ville empestait. Chaque fois qu’il y revenait, il vivait cette
odeur

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