Le livre du magicien
remarqua que l’intérieur était souillé de poussière noire. Il l’examina avec plus d’attention et le soupesa entre ses mains. Le lourd récipient était de bonne qualité. Ce n’était pas un objet dont un prêtre peu fortuné irait se débarrasser. Il le huma et reconnut l’odeur du soufre, cette même odeur qu’il avait sentie dans l’église. Il déposa doucement le récipient par terre.
— Père Matthew !
Pas de réponse. Corbett refit le tour de la demeure et frappa avec vigueur à la porte.
— Père Matthew, je voudrais vous parler.
Entendant du bruit au-dessus de sa tête, il leva les yeux. À travers les volets de la fenêtre de l’étage, il aperçut le prêtre, pâle et pas rasé.
— Sir Hugh, je suis navré de ne pouvoir descendre. Je crois que c’est la suette. J’ai été malade.
— Pouvons-nous vous aider ? cria Ranulf. Avez-vous besoin de quelque chose ? Avez-vous de quoi manger ?
Le père Matthew fit un geste de dénégation.
— Je n’ai rien pris depuis quelques jours, mais je pense que je vais mieux.
Il se força à sourire.
— Je vais peut-être préparer du gruau ou de la fromentée. De grâce, transmettez mes salutations à Sir Edmund et dites aux gens du château qu’ils doivent se rendre à la chapelle pour les offices. Le père Andrew se chargera d’eux.
— Connaissez-vous Horehound, le hors-la-loi ? questionna Corbett.
— Oui, Sir Hugh, en effet.
— L’avez-vous vu, lui ou quelqu’un de sa bande ?
Le prêtre fit signe que non.
— J’ai ouï dire, Sir Hugh, qu’ils vont recevoir le pardon du roi et j’en suis fort heureux, pourtant je n’ai pas eu de leurs nouvelles, bafouilla le père Matthew. Mais il fait froid. Je vous verrai sous peu.
Il se retira et referma les volets. Corbett revint vers les marches de l’église et, à l’abri dans le renfoncement, regarda son écuyer parcourir le cimetière en tous sens comme si les larrons s’y dissimulaient.
— Que cherches-tu ? cria-t-il.
— Je me suis dit qu’ils étaient peut-être venus et repartis, mais il n’y a pas de trace. Personne n’est passé par ici, déclara Ranulf en faisant demi-tour. Pourtant, soupira-t-il, la neige commence à fondre.
Corbett fixa des yeux la maison silencieuse et peu accueillante du prêtre.
— Pourquoi un prêtre, interrogea-t-il, se servirait-il d’un bon bassin de cuivre pour mélanger du soufre et d’autres substances, avant de le jeter dans le jardin ? Pourquoi prétend-il n’avoir point mangé alors que j’ai senti une odeur de cuisine ?
— Il a bien dit qu’il allait se préparer de la fromentée ou du gruau.
— C’est vrai, concéda le magistrat en tapant des pieds.
Le jour déclinait et ils ne pouvaient s’attarder ici plus longtemps.
— Ranulf, quelque chose a dû retarder Horehound. Il sait où nous trouver ; retournons au château.
Ils enfourchèrent leurs chevaux et reprirent le chemin. Quand ils arrivèrent à la taverne, ils constatèrent que les grilles étaient tirées.
Corbett distingua la lumière des lanternes et des torches et perçut le son faible, mais agréable d’un luth. Ils dépassèrent deux colporteurs, à moitié courbés sous les fardeaux empilés sur leurs dos et pressés de parvenir à Corfe avant la nuit. Les hommes leur crièrent des salutations auxquelles le clerc répondit en levant la main.
Quand ils furent arrivés, Corbett ordonna à Ranulf de commencer les préparatifs du départ. Il lui demanda aussi d’aller chercher de quoi se restaurer aux cuisines.
— Vous ne venez pas avec nous dans la salle des Anges ? interrogea Ranulf.
— L’air fat de Craon me fatigue. De toute façon...
Il frappa l’épaule du jeune homme de son gant.
— ... je sais que tu seras fort accaparé par Lady Constance.
Le magistrat monta dans sa chambre où il vérifia le grand coffre placé au pied du lit et chercha avec soin le moindre signe d’un intrus. Mais il ne trouva rien. Il prépara du feu, alluma d’autres chandelles et débarrassa la petite table. Il sortit de l’encre, son écritoire et un morceau de vélin lisse du coffret de la chancellerie. Il avait l’intention d’écrire au roi et à Lady Maeve, mais que pouvait-il dire ? Il ne pouvait cacher ni son inquiétude croissante ni sa colère devant la suffisance de Craon, comme si ce dernier avait narré une histoire très drôle que Corbett n’aurait pas comprise. Il acceptait à présent l’idée que Craon
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