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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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tellement à court de nourriture que nous sommes sur le point de mourir de faim. Je crois, ajouta Milkwort, amer, que nous n’aurions pas dû menacer l’envoyé du roi.
    — Nous ne l’avons pas menacé, coupa Horehound. Si nous devons être pendus, soyons-le pour avoir abattu du gibier ou volé quelques habits à un marchand, mais pas pour avoir occis des jouvencelles.
    — On en a tué une autre, se lamenta Angelica en repoussant ses cheveux en arrière.
    Regardant vers la grotte où Foxglove haletait et se débattait contre la mort, elle tendit le pouce vers le moribond :
    — Je comprends ça, mais pas le meurtre sauvage de jeunes filles.
    — Tu l’as vue ? s’enquit Horehound désireux de changer de sujet et de détourner l’attention de Milkwort.
    — Oui, je te l’ai déjà dit : j’étais près du chemin à cueillir des noisettes et tout ce que je pouvais trouver de comestible. J’ai aperçu la jouvencelle dans le cimetière. Elle était debout près de la tombe ; elle avait apporté du houx, rouge de baies.
    — Oui, mais as-tu vu celle qui a été tuée ?
    — Je n’ai vu personne d’autre.
    — Même pas des étrangers ? suggéra Horehound.
    — Il me semble que si ; juste entrevus.
    — Il n’y en a point dans les parages, railla Milkwort. Ni marchands ni colporteurs. Il n’y a que ceux qui sont à la taverne. Des cas... tel... ?
    — Castillans, corrigea Horehound, fier de se remémorer ce que lui avait appris Maître Reginald. Ils viennent de Castille. En Espagne.
    — Où est-ce ?
    — En France, fanfaronna Horehound. Je crois que c’est en France, quelque part près de la mer du Milieu. Ils sont venus acheter de la laine. Ils arrivent de Douvres.
    — Les as-tu vus ? interrogea Milkwort. Nous aurions pu les arrêter.
    Horehound le menaça du doigt.
    — Ne sois pas stupide. Ils sont cinq, et tous armés. Qui plus est, ce sont des étrangers. Tu sais ce qui arrive quand on les dévalise ? Ils se plaignent au shérif ou à leur prince, et, en un rien de temps, les gardes envahissent la forêt pour nous pourchasser comme des daims. Tu sais ce qui est arrivé à Pigskin et à sa bande ? Ils ont poussé vers l’est et ont assailli des voyageurs qui venaient de Douvres.
    Le groupe resta silencieux. L’histoire de Pigskin et de ses compagnons pendus aux carrefours pour l’exemple était connue de tous. Milkwort prit la parole :
    — Si nous n’allons pas bientôt quérir le prêtre, le vieux Foxglove rejoindra Pigskin.
    — Que nenni, objecta Horehound. Pigskin est en Enfer. C’était un tueur ; pas notre Foxglove. Lui, le pire qu’il ait fait c’est d’assommer un homme. Mais tu as raison, soupira-t-il, allons-y.
    Ils quittèrent le camp, titubant dans la neige, jurant et grommelant quand ils s’égratignaient aux ajoncs. Les flocons accumulés sur les branches au-dessus de leur tête tombaient en poudre fine et trempaient leurs vêtements. Horehound resserra son capuchon. Ils marchaient en file indienne. Angelica venait en dernier, les pas dans ceux de ses compagnons.
    Horehound avait grand-peur. La forêt était silencieuse, signe inquiétant pendant la nuit, comme si la neige et le froid glacial avaient étouffé toute vie, tout bruit. Le paysage avait changé : il n’y avait plus d’arbres et de buissons familiers, plus de bornes à l’endroit où le sentier tournait, plus de couleurs variées. Ce n’était que ténèbres, rompues seulement par la blancheur aveuglante de la neige. Horehound avait l’impression de rêver. Il s’arrêta pour se repérer. Inquiet à l’idée de s’égarer, il négligea les protestations de Milkwort et les conduisit hors de la forêt sur le chemin qui sinuait entre les arbres. Ils finirent par le quitter et revinrent sous la protection du couvert pour emprunter une route sûre qui les emmènerait à La Taverne de la Forêt.
    Horehound savait qu’ils devraient traverser la fameuse clairière et rassembla tout son courage. Quand ils y parvinrent, ils firent une pause : même dans la faible lumière, ils pouvaient distinguer, pendue à une branche en saillie, la forme sinistre animée d’un léger mouve ment comme si elle était dotée d’une vie propre. Horehound se signa et poursuivit sa route. Il avait faim et se sentait faible. Comme il s’approchait du chemin qui menait à la taverne, son odorat aiguisé capta des effluves de ragoûts et de pain frais. L’eau à la bouche et l’estomac grondant, il

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