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Le livre du magicien

Le livre du magicien

Titel: Le livre du magicien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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affalé dans sa chaire, le visage tout crispé comme s’il ne perdait pas une miette du débat. Il en était venu à penser que, mis à part le replet Pierre Sanson, les érudits français ne prenaient pas au sérieux les déclarations de frère Roger et émettaient de graves réserves au sujet du Secretus secretorum. Ils s’étaient aussi fort vite remis du trépas de leur camarade ; il y avait eu peu de marques de deuil, si ce n’est que Crotoy avait demandé au père Andrew de célébrer une messe de requiem plus tard dans la journée. Sir Edmund avait promis à Craon que la dépouille serait lavée et éviscérée, embaumée d’onguents et d’épices et envoyée par chariot jusqu’à Douvres d’où elle serait embarquée pour la France. Une fois qu’ils furent tous rassemblés, Crotoy avait conduit l’attaque, soutenant l’hypothèse que si les assertions de Bacon dans d’autres manuscrits, qui étaient accessibles, étaient absurdes, il ne comprenait pas pourquoi ils se soucieraient d’un écrit secret, indéchiffrable et tout à fait intraduisible. En d’autres termes, constata Corbett, désabusé, les Français voulaient retourner chez eux.
    — Mais vous avez des preuves, intervint Bolingbroke. Quand j’étais à...
    Il s’interrompit juste à temps.
    — ... aux collèges d’Oxford, un professeur devait soutenir ce qu’il avançait soit par la logique, soit par l’expérimentation.
    — Justement ! s’exclama Crotoy en reprenant les mots de Bolingbroke. Dans son Opus majus, frère Roger dit que si on coupe en deux un rameau de noisetier et qu’on en écarte les morceaux, les deux parties isolées essaieront de se rapprocher. On sentira même les efforts que feront les deux bouts.
    Il se pencha, ramassa une baguette de noisetier, la posa sur la table, prit son couteau, coupa le coudrier en deux et présenta les deux morceaux. Sir Edmund, assis dans une chaire à la droite du magistrat, se leva pour mieux voir.
    — Apercevez-vous quelque mouvement ? interrogea Crotoy.
    Le gouverneur fit le tour de la table. Crotoy lui tendit les rameaux.
    — Sentez-vous en quelque façon que ces moitiés cherchent, comme des amants, à se rapprocher ?
    Sir Edmund les garda en main quelques minutes, puis fit un signe de dénégation.
    — Autrement dit, déclara Crotoy en reprenant la phrase habituelle des écoles, ce qu’il fallait démontrer n’a point été démontré. Par conséquent les hypothèses sur lesquelles cela repose ne peuvent être validées.
    — Et néanmoins, insista Bolingbroke, dans l’ouvrage même que vous citez, frère Roger parle de « certaines mixtures ignées, salpêtre, charbon et soufre, qui, enroulées dans du parchemin et enflammées, produisent un grand bruit et du feu ».
    — Est-ce là une preuve ? se gaussa Vervins. Si vous jetez un morceau de viande à une meute de chiens affamés, vous ouïrez aussi grand tapage.
    — C’est vrai, rétorqua Bolingbroke, mais il faut s’y attendre. Ce que je dis, c’est que frère Roger a démontré que ce mélange causera cet effet, comme il le fait dans le chapitre sept de l’Opus majus, où il apporte la preuve qu’on peut mesurer un arc-en-ciel.
    — Qu’en est-il, coupa Craon, irrité sans nul doute par les sarcasmes de ses compagnons, qu’en est-il si la solution de toutes ces énigmes se trouve dans le Secretus secretorum  ? Peut-être, précisa-t-il avec un geste de la main, pouvons-nous trouver ici une réponse quant au chariot qui se meut tout seul ou aux bouts du rameau de coudrier essayant de se rapprocher. Le frère Roger n’affirme-t-il point...
    Craon ferma les yeux pour mieux se souvenir.
    — ... que les savants se sont toujours démarqués de la multitude et ont caché les vérités secrètes de la sagesse non seulement au vulgaire, mais aussi aux philosophes communs ?
    — Arrogance ! railla Crotoy. Si Jésus pouvait révéler les vérités divines, alors pourquoi frère Roger ne pouvait-il confesser ses secrets ?
    — Non, rétorqua Craon. Jésus lui-même n’a-t-il pas dit qu’il parlait par paraboles aux foules et qu’il ne s’adressait de façon claire et ouverte qu’à ses disciples ? Messires, nous ne sommes point ici pour débattre des affirmations de frère Roger, mais pour décoder et traduire son manuscrit secret ; c’est ce qu’exigent nos souverains.
    Craon lança à Corbett un regard comminatoire requérant son appui, mais avant que ce dernier ait pu répondre,

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