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Le loup des plaines

Le loup des plaines

Titel: Le loup des plaines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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suggéra Arslan. Il n’y
a pas d’honneur dans ce que tu veux faire.
    Temüdjin se tourna vers lui, les yeux fous.
    — Pars si tu en as envie. Il s’agit d’une dette de sang.
    Arslan demeura immobile.
    — Je n’y prendrai pas part, lâcha-t-il enfin.
    Flanqué de ses frères venus le rejoindre, le jeune khan
hocha la tête. Tous trois fixèrent le forgeron, qui se sentit soudain glacé. Il
n’y avait aucune pitié dans leurs regards. Derrière eux, les Tatars gémissaient
de terreur et les flammes ronflaient en s’élevant.
     
     
    La poitrine nue de Temüdjin luisait de sueur. Ses frères
avaient nourri le feu jusqu’à qu’on ne puisse plus s’approcher du cœur jaune du
brasier.
    — Je donne ces vies au ciel et à la terre, j’éparpille
leurs esprits dans les flammes, clama Temüdjin, levant la tête vers les étoiles
froides.
    Son torse était barré d’une large tache noire allant de son
menton à sa taille. Il tenait le dernier Tatar par la gorge et le soulevait
légèrement. Quoique affaibli par ses blessures, l’homme se débattait encore et
agitait les jambes, laissant des marques sur le sol. Temüdjin ne semblait pas
sentir son poids. Il se tenait si près du feu que les poils fins de ses bras
avaient disparu mais, perdu dans une transe de mort, il n’éprouvait aucune
douleur.
    Kachium et Khasar l’observaient en silence, à quelques pas
de lui. Eux aussi portaient des traces de sang tatar et dégageaient une odeur
de chair brûlée. Des trois corps gisant nus à côté du feu, deux avaient la
poitrine percée de trous noirs d’où s’était écoulé assez de sang pour laver
chagrin et colère. Le feu était uniquement pour le survivant.
    Insensible à tout ce qui l’entourait, Temüdjin se mit à
psalmodier des mots qu’il n’avait pas entendus depuis que le vieux Chatagai les
avait prononcés par une nuit glacée, il y avait bien longtemps. L’incantation
du chamane parlait de perte et de vengeance, d’hiver et de sang. Temüdjin n’avait
pas à faire d’effort pour se rappeler les paroles, elles venaient sur sa langue
comme s’il les avait toujours connues.
    Terrifié, le dernier Tatar griffait le bras de Temüdjin, l’écorchait
de ses ongles cassés.
    — Approche, Börte, dit-il sans quitter l’homme des yeux.
    Elle s’avança dans la lumière du feu, qui alluma d’autres flammes
dans son regard. Temüdjin dégaina son poignard luisant déjà d’une vie sombre. D’un
geste vif, il tailla dans la poitrine du Tatar, fit aller et venir la lame pour
trancher dans le muscle. L’homme ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Temüdjin
coupa, pressa ; des organes brillants apparurent. Du pouce et de l’index, il
détacha un morceau du cœur, le piqua sur la pointe du couteau et le tint dans
le feu. Sa propre peau roussit tandis que la chair du Tatar grésillait. Il
grogna, conscient de la douleur mais refusant d’y céder. Il laissa le Tatar
tomber sur les feuilles mortes, les yeux encore ouverts. Sans un mot, Temüdjin
tendit la chair grillée à Börte, qui la porta à ses lèvres.
    La chair était presque crue et difficile à mâcher. Un filet
de sang chaud coula de la bouche de Börte. C’était un rite magique très ancien :
manger la chair et l’esprit de son ennemi. Quand le morceau de cœur glissa dans
sa gorge, elle éprouva un intense sentiment de légèreté et de force. Ses lèvres
se retroussèrent, révélant ses dents ; les épaules de Temüdjin s’affaissèrent,
comme si quelque chose avait soudain quitté son corps. L’instant d’avant, il
proférait de sombres incantations, il apportait la vengeance. Il n’était plus
maintenant qu’un homme exténué par le chagrin et la douleur.
    Börte tendit la main vers le visage de son époux, lui
caressa la joue et y laissa une trace de sang.
    — C’est assez, dit-elle par-dessus les craquements du
feu. Tu peux dormir, à présent.
    Il hocha la tête d’un air las, recula pour rejoindre enfin
ses frères. Arslan se tenait un peu plus loin, la mine sévère. Il n’avait pas
pris part à la tuerie, il n’avait pas mangé de morceaux de chair taillés dans
des hommes vivants. Il n’avait pas senti le regain de vie qui accompagnait leur
ingestion, ni l’épuisement qui suivait. Sans regarder les corps mutilés des
Tatars, il s’allongea sur le sol et glissa les mains dans les manches de son deel. Ses rêves seraient terribles, il le savait.

 
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    Toghril des Kereyits fut tiré du

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