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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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paroles de Myrin soient étouffées par le voile qui protégeait toujours ses traits, Pedro les entendit et comprit que la fille de dame Tchalaï était elle aussi plongée dans ses souvenirs.
    — Inch Allah ! Si Dieu le veut, rectifia la jeune Mauresque en exhalant une légère fragrance lilas.
    Son acte exaspéra la guérisseuse :
    — Arrête ça tout de suite !
    — Désolée, je voulais vous aider. Ce parfum apaise l’âme.
    Soucieux d’éviter une nouvelle querelle, Pedro donna le signal du départ.
    Ils cheminaient le long du fleuve l’un derrière l’autre dans une vallée profonde peuplée d’arbres centenaires et de buissons odorants. De temps en temps, des branches entravaient leurs progressions. Ils les écartaient avec prudence pour ne pas blesser le suivant. Soudain, sur une partie dénudée du sentier, ils aperçurent sur leur droite la masse sombre de l’Alhambra, et sur l’autre versant, des tours vermeilles posées sur un piton rocheux. Le bruit de l’eau vive couvrait leurs piétinements. Sur les berges se dressaient maintenant des maisons aux volets clos qu’ils longèrent pendant un long moment. En arrivant au pont des Tanneurs, Pedro s’arrêta pour se repérer.
    — Il nous faut un refuge pour la nuit, dit-il.
    — Pourquoi ? demanda la benjamine.
    Le soldat resta silencieux, incapable d’expliquer sa peur à l’idée de revoir sa mère, ou pire de ne pas la revoir.
    — Nous ne pouvons nous présenter dans une maison inconnue en pleine nuit expliqua Myrin.
    Pedro préféra ne pas faire de commentaires. Sa voix l’aurait trahi. Il repartit d’un bon pas.
    — Dans la ville basse, il existe un caravansérail qui accueille les marchands de passage. Espérons qu’on nous ouvrira à cette heure tardive, dit-il au bout d’un moment.
    Se faufilant l’un derrière l’autre dans les ruelles désertes, les voyageurs arrivèrent bientôt devant un grand mur aveugle percé d’une petite porte en bois massif.
    Quand Pedro frappa, une tête grincheuse apparut derrière une lucarne.
    — À cette heure, on n’ouvre plus. Passez votre chemin, grogna le gardien de nuit
    — Un brave homme comme vous ne laisserait pas à la rue un infortuné marchand et sa famille. Nous avons été dévalisés par des chiens d’infidèles et n’avons eu la vie sauve qu’en abandonnant nos marchandises à ces fils de klebs, dit Pedro en arabe.
    La lucarne qui s’était refermée se rouvrit et le même visage, exprimant à la fois de la curiosité et de la méfiance, réapparut :
    — Comment avez-vous pu pénétrer dans la ville en pleine nuit ?
    — Comme tout Grenadin, je connais la Bouche du Genil ! Une preuve ? Regardez l’état dans lequel nous sommes. Trempés de la tête aux pieds. Nous allons prendre froid et tomber malades si vous nous refusez l’hospitalité.
    Le cerbère resta quelques instants silencieux, puis il secoua la tête d’un air mécontent :
    — Vous ne parlez pas comme un habitant de cette ville.
    — Je vis à Fès, d’où ma famille est originaire. J’y tiens un négoce de tapis et de céramiques. Hélas ! ma cargaison n’est plus là pour prouver mes dires.
    — Avez-vous de quoi payer ? demanda l’homme d’une voix radoucie, après avoir examiné les robes dégoulinantes des dames qui mettaient en valeur leurs courbes sensuelles.
    — Ces bâtards n’ont pas eu le temps de me fouiller, trop occupés à se partager les richesses entassées dans mon chariot, s’empressa de répondre Pedro. J’ai largement de quoi vous dédommager pour une chambre, des matelas, des couvertures et des chandelles.
    Voyant que le gardien hésitait encore, partagé entre l’appât du gain et la peur des étrangers, Pedro chuchota à l’oreille de Yasmin :
    — Un parfum, vite !
    Une suave odeur de rose dilata les larges narines de l’hôtelier. Sa figure se fendit d’un sourire accueillant et il descendit de son perchoir pour ouvrir la porte.
    — Entrez, dit-il en s’adressant au pseudo-marchand, vos compagnes doivent être fatiguées.
    Traînant les pieds, il traversa la large cour carrée entourée de bâtiments de deux étages. Au rez-de-chaussée, sous les arcades, des portes fermées protégeaient des échoppes, des chambres et des remises. Il ouvrit l’une de ces portes, alluma deux chandelles et leur montra l’intérieur de la pièce en tendant la main vers Pedro. Contre l’un des murs s’entassaient quatre paillasses recouvertes de cuir

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