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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marianne Leconte
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couvent…
    — J’y suis restée quelques heures avant de m’enfuir en empruntant les habits d’un prêtre qui tentait de me consoler. Ensuite je suis tombée dans des mains peu recommandables. Ce démon de Manuel m’a sauvé la vie.
    Pedro s’esclaffa.
    — Vous m’intriguez. Vous êtes sûre de le détester ?
    — C’est une histoire compliquée que je vous conterai plus tard.
    — Vous avez raison, nous devons nous hâter.
    Pressés de distancer d’éventuels poursuivants, ils se lancèrent à la poursuite de Myrin et de Yasmin qui avaient pris de l’avance.
     
    Une à une les étoiles s’allumaient au-dessus de leurs têtes, de plus en plus brillantes au fur et à mesure que le firmament s’assombrissait. Ils traversèrent des plantations d’orangers et d’oliviers, contournèrent un village endormi sans rencontrer âme qui vive. Quelle que soit leur religion, les fugitifs étaient fébriles. C’était l’heure fatale où les mauvais esprits, djinns, goules et démons sortaient de leurs tanières pour jouer de sales tours aux humains. L’inquiétude était palpable, le silence pesant.
    Pedro se mit à fredonner une chanson de son enfance. Quand ses compagnes reprirent ensemble le refrain, il réalisa que sa mémoire lui avait joué un mauvais tour. Compte tenu des circonstances et de la présence à ses côtés de deux Douées, les paroles n’étaient pas du meilleur goût :
    Une vieille sorcière s’éteignit
    Dans Grenade endormie
    Et le diable s’en saisit
    Pour faire des cordes à son luth.
    En apercevant le Genil devant lui, il s’arrêta.
    — Nous sommes arrivés. La ville est proche. Nous allons continuer à pied.
    Il sauta de son cheval, récupéra sa besace, chassa son étalon d’une claque sur la croupe puis entra dans les eaux peu profondes de la rivière. Isabeau, avantagée par ses vêtements d’hommes, le suivit sans hésiter. Myrin et Yasmin libérèrent leurs montures, retroussèrent leurs jupes et pénétrèrent en pestant dans la rivière.
    De l’eau jusqu’à la taille, ils longèrent les hautes murailles de la cité jusqu’à un fleuve bouillonnant qui jaillissait d’une grotte percée dans les soubassements. Pedro s’engagea sous la voûte de pierres, talonné par ses compagnes. Le quatuor progressait lentement à contre-courant dans le tunnel qui semblait interminable. Une odeur de mousse déliquescente et de roches moisies empuantissait l’atmosphère déjà raréfiée. Les filles avançaient de front en se donnant la main. Au fond de l’eau, galets lisses et vase molle leur donnaient une démarche boiteuse et cahotante. Elles se retenaient mutuellement quand l’une glissait ou s’enfonçait et luttaient contre l’angoisse par des rires nerveux et des encouragements chuchotés.
    Enfin les fugitifs sortirent dans la nuit lumineuse.
    Après avoir escaladé le talus, ils s’arrêtèrent sur la rive pour savourer l’instant. La joie d’être parvenu à bon port et d’avoir échappé à l’Inquisition se mêlait à la peur de l’inconnu. À ce moment-là, un flot d’émotions les submergea et pendant quelques instants, on n’entendit plus que le bruit de l’eau vive et les appels mélancoliques d’une hulotte solitaire.
    Quand ils mirent pied sur la berge caillouteuse, Myrin et Yasmin regardèrent d’un air déprimé leurs souliers de satin trempés et déformés. Se déchaussant, elles les essorèrent puis, à contrecœur, les enfilèrent pour ne pas marcher pieds nus. Plaquées sur leurs corps, leurs robes ruisselaient.
    Pendant qu’elles tordaient leurs jupes, Isabeau, qui échappait à ce genre de désagrément, enleva ses bottes et les vida tout en s’exclamant :
    — Au moins, ici, on ne m’enfermera pas dans un couvent.
    Son allégresse stimula Pedro qui ressentit soudain le besoin de s’exprimer :
    — Grenade, belle endormie, accueille ton fils prodigue, murmura-t-il d’une voix enrouée.
    Envahi par un flot de souvenirs, il se revit, gamin déluré, en train de courir derrière les vendeuses de beignets, voler une orange à une vieille aveugle au marché, puis revenir honteux sur ses pas pour laisser tomber une pièce dans son bol, accueillir avec son père des invités sur le seuil de leur porte, se réfugier dans les jupes de sa mère quand son époux s’absentait. La gorge nouée, il réalisa qu’il n’avait jamais repensé à son enfance.
    — Nous sommes dans le fruit. Reste à trouver le manuscrit.
    Bien que les

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