Le marchand de mort
Smithler. Vavasour ou Sir Reginald se sont-ils servis d’argent comme celui-ci ?
L’aubergiste regarda attentivement la monnaie qu’il tenait.
— Non, dit-il, c’est la première fois que j’en vois de cette sorte. C’est un shilling à l’effigie du nouveau roi.
Colum fit claquer ses doigts pour qu’on lui remette toutes les pièces de monnaie.
— Ce sera une maigre consolation pour le roi que ce peu d’argent de ses impôts que je lui rendrai.
Il mit les sous dans sa bourse et surprit alors le regard de Standon.
— N’ayez crainte, mon garçon, cet argent trouvera le chemin de la Trésorerie royale.
Colum organisa ensuite une fouille minutieuse de la chambre. On trouva encore une pièce d’argent de l’autre côté du lit, et ce fut tout. Quand tout le monde fut de nouveau rassemblé dans la salle de l’auberge, Sir Gervase soupira :
— Cette affaire va-t-elle durer longtemps ?
— Quelle est la longueur d’une corde de pendu ? rétorqua durement Kathryn.
Leregard de la jeune femme se porta vers l’escalier. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose qu’elle avait vu dans la chambre de Vavasour la tracassait.
Colum lui effleura doucement le bras.
— Kathryn ?
— Je trouve que ce n’est pas juste, gémit alors le père Ealdred. Vavasour est mort et on a trouvé dans sa chambre de l’argent des impôts.
— Et alors ? interrogea la jeune femme. Le prêtre au visage maigre fit valoir :
— Il est évident que Vavasour était impliqué dans le vol du contenu des sacoches, sinon on n’aurait pas trouvé les pièces dans sa chambre.
— Comment être sûr que quelqu’un n’a pas mis à dessein ces monnaies dans sa chambre ? demanda Colum.
Smithler fit entendre un ricanement.
— Ce n’est pas possible. La seule personne à détenir la clé de la pièce était Vavasour. Je ne suis moi-même jamais entré dans cette chambre. Quelqu’un d’autre l’a fait ?
Un choeur de « non » lui répondit.
— C’est vrai, murmura Colum.
Kathryn prit un siège.
— Vous pensez donc que Vavasour avait un complice ? À deux, ils ont volé l’argent. Comment ? Voilà qui demeure un mystère. Ils ont tué Erpingham et cela aussi reste un mystère, puis ils se sont disputés. Dans ce cas, poursuivit Kathryn d’une voix monocorde, pourquoi Vavasour, qui détenait sa part d’argent, serait-il sorti dans le calme de la nuit, pour traverser un champ couvert de neige, afin de retrouver son complice ? D’après ce que vous dites, l’argent volé avait été partagé, sinon Vavasour n’aurait pas fait tomber ces pièces.
Kathryn secoua la tête.
— Ce n’est pas logique. Je ne puis admettre que Vavasour, complice d’un meurtre, de trahison et de vol, ait été assez négligent pour éparpiller les preuves de son forfait dans sa chambre où n’importe qui pouvait les trouver.
Comme personne ne répondait, la jeune femme haussa les épaules.
— D’une façon ou d’une autre, il a bien fallu qu’on introduise cet argent. Dites-moi, Maître Smithler, il n’y a vraiment pas d’autre clé de cette chambre ?
L’aubergiste tendit les mains en un geste d’impuissance.
— Maîtresse Swinbrooke, vous qui vivez depuis longtemps à Cantorbéry, vous connaissez Forquil, le serrurier, n’est-ce pas ? Il habite non loin de chezvous, à l’angle de Jewry Lane.
— Je le connais, en effet.
— Allez l’interroger. L’année dernière, il a fabriqué de nouvelles serrures pour toutes les chambres de cette auberge. J’en voulais de robustes et fiables. Forquil m’a assuré qu’il ne pouvait faire qu’une clé par serrure tant chaque mécanisme est compliqué et délicat.
— C’est vrai. Maîtresse Swinbrooke, confirma le père Ealdred. C’est maintenant la coutume dans de nombreuses tavernes. Si les chambres ont deux clés ou qu’il existe un passe, chaque fois que quelque chose disparaît, on accuse l’aubergiste ou ses serviteurs.
Kathryn se contenta de lancer un regard navré à Colum. Avant même que le père Ealdred ait parlé, elle savait que l’aubergiste disait vrai. Le commerce des pèlerins était si important à Cantorbéry que les aubergistes tenaient à assurer à leurs clients qu’ils pouvaient laisser sans risque cequ’ils voulaient dans leurs chambres.
— Et comment nettoie-t-on les chambres ? demanda Colum. Comment change-t-on les draps ?
— Nous le faisons toujours en présence des clients, expliqua
Weitere Kostenlose Bücher