Le marchand de mort
Blanche Smithler. Demandez aux filles de salle et aux servantes. Vous savez, Maître Murtagh, nous avons assez de problèmes sans risquer de nous faire accuser de vol, surtout quand nous ne pourrions pas prouver si la plainte d’un client est fondée ou pas.
— Donc absolument personne n’approche des chambres lorsque les clients n’y sont pas ? insista Colum.
— Sauf pour changer l’eau des seaux d’incendie, répondit vivement Blanche Smithler. C’est-à-dire très rarement.
Kathryn contempla ses mains. « Nous n’avons plus rien à faire ici, songeait-elle. Même cet argent est un mystère. » La clé de la chambre de Vavasour ayant été retrouvée dans la bourse de ce dernier, personne n’avait pu pénétrer chez lui. La jeune femme avala sa salive. Que rapporterait Colum au Conseil du roi, à Westminster ? Elle n’osait y penser. Elle se mordit la lèvre : le problème semblait apparemment insoluble. Kathryn ferma les yeux et songea à Erpingham puis à la chambre de Vavasour.
— Qui enterrera Vavasour ? demanda alors Smithler. Je ne puis garder son cadavre indéfiniment.
— Faites-le transporter au château, ordonna Colum. On l’ensevelira à côté de son maître.
Kathryn se dressa.
— Dites-moi, lorsque nous vous avons quittés, après notre dernière visite, Vavasour aurait-il dit ou fait quelque chose de singulier ou d’inapproprié ?
— Il est resté seul, répliqua Murville, et il n’a pas eu de mal. Si nous n’aimions pas son maître, nous ne respections guère son secrétaire.
Kathryn regarda Standon.
— Et vous ?
— Vavasour parlait peu, répliqua le sergent, et quand il le faisait, il affectionnait les proverbes.
Ainsi : « Un point fait à temps en évite cent. » Il m’avait cité celui-ci une fois que nous nous étions croisés dans l’escalier. À plusieurs reprises, quand je l’ai interrogé sur la mort d’Erpingham, il a eu un sourire mystérieux, tout en disant le vieil adage : « Il peut arriver bien des choses de la coupe aux lèvres. »
— Et il ne s’est pas expliqué ?
Standon secoua la tête.
Colum et Kathryn s’apprêtèrent à partir. L’Irlandais répéta son ordre que personne ne quitte la Taverne du Vannier avant la fin de l’enquête. Il dit aussi à Smithler de brûler les ossements qui avaient été retrouvés.
Une fois dehors, alors qu’ils traversaient la cour pavée, Colum saisit la main de Kathryn.
— Il n’y a pas de solution, n’est-ce pas ?
Kathryn regarda par-dessus son épaule les fenêtres éclairées de l’auberge.
— Non, Colum. Cette fois, le meurtrier pourrait bien s’en tirer sain et sauf.
CHAPITRE X
À leur retour à Ottemelle Lane, Kathryn et Colum passèrent le reste du samedi à réparer les méfaits du dégel. L’allée du jardin avait été inondée. On découvrit un trou dans le toit, au-dessus d’une petite soupente dont Kathryn se servait comme débarras, et le baquet d’eau était rempli de neige sale qui avait glissé du toit en tuiles rouges. Colum commença à se plaindre d’avoir à aller à Kingsmead, se demandant si Luberon en était revenu. Ainsi Kathryn n’eut guère l’occasion de réfléchir sur ce qu’elle avait appris à la Taverne du Vannier . En même temps, le sort de Blunt la préoccupait, mais comment s’ouvrir de ses soupçons à Colum et Luberon ?
Wormhair se présenta pour la consulter. Il se tenait toujours le ventre, et s’assit à la table de la cuisine – tel Jonas prêt à disparaître –, gémissant qu’il était au bord de la mort.
— Si vous mourez, s’écria Wuf, je pourrai prendre le bouclier en bois que vous avez fait pour la dernière Saint-Michel ? Et je pourrai aussi épouser Agnes ?
La jeune servante le prit si mal que Kathryn chassa Wuf avant d’examiner Wormhair avec soin.
Après lui avoir palpé le ventre, puis en avoir écouté les bruits au moyen d’une petite corne en étain, elle déclara d’un ton grave :
— J’ai une bonne nouvelle pour toi, Wormhair : tu ne mourras pas, du moins pas encore.
Le jeune garçon se contenta de la dévisager, ses grands yeux clairs et bleus plus ronds encore dans son visage amaigri et pâle.
— Et le mal ? murmura-t-il.
— As-tu la colique ? demanda Kathryn.
Wormhair hocha la tête.
— Et tes boyaux sont-ils très relâchés ?
Il émit un grognement sinistre en guise de réponse.
Kathryn reprit d’un ton vif :
— C’est ce qui arrive quand on mange
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