Le Maréchal Berthier
étude de raconter en détail tous les faits d'armes qui constituèrent cette première campagne d'Italie. Tout de même, Berthier fut frappé du peu de cas que Bonaparte faisait de la vie de ses soldats, car, dès les premières victoires, les pertes furent lourdes. À la fin d'avril, Berthier fut obligé, sur ordre du patron, de demander au Directoire que l'on prélevât quinze mille hommes sur l'armée des Alpes, douze compagnies d'artillerie et de la cavalerie pour combler les vides.
La rapidité avec laquelle Bonaparte déplaçait ses troupes pour mieux surprendre l'adversaire obligeait le quartier général et par conséquent l'état-major à se déplacer sans cesse, ce qui compliquait singulièrement sa tâche. Les officiers envoyés porter des ordres et souvent demeurés auprès des divisionnaires avaient du mal à rejoindre ensuite leur service. Il leur arrivait fréquemment de s'égarer, voire de tomber sur une patrouille ennemie et d'être capturés ou tués. Aussi Berthier, comme Bonaparte, mais à son corps défendant, dut bientôt demander que l'on complétât ses effectifs. Il prit d'ailleurs très vite l'habitude d'envoyer à la suite plusieurs officiers porter un même ordre au même général pour avoir la certitude que celui-ci l'ait bien reçu et compris.
Comme si son travail d'état-major ordinaire n'avait pas suffi à l'occuper, Bonaparte chargea Berthier, après l'armistice de Cherasco signé le 28 avril avec les Piémontais, de prendre en main et de contrôler la remise des places fortes et territoires cédés par ceux-ci ainsi que leur occupation. Le chef d'état-major général se hâta de confier cette tâche au général Haquin en le priant de le tenir au courant de la manière la plus étroite de la façon dont se déroulait sa mission. En effet, par les territoires occupés, passaient les lignes de communication de l'armée française et l'état-major général en avait la responsabilité.
Dans ses rapports d'opérations au Directoire, Bonaparte qui savait ce qu'il devait à son concours avait insisté sur la manière dont Berthier avait rempli ses fonctions de chef d'état-major. Aussi, lorsque le gouvernement adressa au général en chef ses félicitations, il en ajouta de personnelles pour Berthier, lui écrivant en particulier : « Vous avez rendu de grands services, citoyen général, dans les affaires qui ont eu lieu à l'armée d'Italie. Le Directoire n'attendait pas moins de vos talents….Il vous félicite d'avoir si puissamment contribué aux succès nombreux que vient d'obtenir la Grande Armée dans laquelle vous servez.
Signé : Carnot, Letourneur, La Révellière. »
Pour qui savait lire entre les lignes, c'était dire à quel point le Directoire comprenait l'importance de son rôle.
À présent, l'armée renforcée par des contingents de l'armée des Alpes marchait au nord pour franchir le Pô près de Milan. Cette opération commença le 7 mai. Au cours de celle-ci, le général Laharpe fut malencontreusement tué au retour d'une reconnaissance par ses propres soldats qui l'avaient pris pour un ennemi. Il n'y avait personne pour le remplacer et Berthier offrit de commander momentanément sa division. Bonaparte hésita. Il savait avoir impérativement besoin du concours de Berthier. En outre, celui-ci n'avait aucune des qualifications qui caractérisaient les commandants d'une grande unité. Il finit toutefois par accepter, précisant qu'il s'agissait de pallier une carence très provisoire. Berthier partit sur-le-champ, trouva la division pressée par l'ennemi et flottant. Il rétablit l'ordre. Le lendemain, on avait enfin trouvé un remplaçant à Laharpe en la personne de Ménard qui prenait la responsabilité de la première division. Ayant ainsi montré l'étendue de ses capacités, Berthier put donc revenir à l'état-major.
Poursuivant leur avance, les Français marchaient sur Milan. À hauteur de la ville de Lodi, les Autrichiens s'étaient retranchés, tenant le pont sur la rivière Adda sous le feu de leur artillerie.
Or il était essentiel pour Bonaparte, avant d'atteindre Milan, d'occuper les deux rives de ce cours d'eau en vue de prévenir une attaque de flanc des Autrichiens. Le 10 mai, une première tentative de franchir le pont ayant échoué malgré le soutien des batteries françaises, Bonaparte ordonna d'en lancer une seconde. Les soldats, qui avaient vu tomber en masse leurs camarades, hésitaient à se lancer sous ce déluge de mitraille. Voyant
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