Le Maréchal Berthier
Napoléon procéda à des nominations dans la Légion d'honneur qui, bien que créée en 1802, n'avait encore fait l'objet d'aucune attribution, Berthier se vit promu grand aigle (grand-croix aujourd'hui). Ce fut d'ailleurs lui qui organisa, en août, pour la Saint-Napoléon, le 15, la grande cérémonie de remise de décorations à l'armée en lieu et place des armes d'honneur distribuées pour le mérite sous la Révolution. Elle se déroula à Boulogne-sur-Mer et fut parfaitement réussie. L'empereur affectionnait ce genre de solennités où il apparaissait dans les plus extravagants costumes. Sa joie aurait été complète s'il avait réussi à convaincre son fidèle second qui atteignait ses cinquante et un ans de se marier. Et ce n'étaient pas les candidates qui manquaient ! Mais, là, son insuccès demeura total.
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Voir du même auteur, chez le même éditeur : Le général Moreau .
VII
L'ÉTAT-MAJOR DE LA GRANDE ARMÉE
(1804-1806)
La fin de l'année 1804 fut entièrement consacrée à la préparation et au déroulement du sacre de Napoléon. Il réussit à persuader le pape de venir à Paris, en théorie pour le couronner, mais, en fait, s'il se montra plein d'attentions et d'égards vis-à-vis du saint-père pendant son séjour en France, il ne manqua pas une occasion de lui faire sentir la prééminence du temporel sur le spirituel. Pendant la cérémonie du couronnement, le pontife fut réduit à un rôle de figurant et n'importe quel évêque eût pu tenir sa place.
La célébration promettait d'être superbe. Les costumes, les décors étaient somptueux. Mais deux hommes étaient sur les dents : le ministre de la Police, Fouché et celui de la Guerre, Berthier. De différentes sources, ils avaient été informés qu'un ou plusieurs complots, jacobins, royalistes, peut-être les deux, avaient pour objectif l'assassinat de l'empereur et de sa famille. Aussi la ville était-elle emplie de troupes, quatre-vingt mille hommes. Déployés, pour une part, en une triple haie tout le long du parcours du cortège entre les Tuileries et Notre-Dame, et concentrés pour l'autre en différents points stratégiques de manière à être à même d'intervenir rapidement. Et les pièces d'artillerie qui tiraient des salves d'honneur avaient dans leurs coffres des munitions qui n'avaient rien de coups à blanc.
Mis en place des heures avant le passage du cortège, mouillés car il pleuvait, les pieds dans la boue, forcés de demeurer immobiles, les soldats étaient de mauvaise humeur et le manifestèrent en restant silencieux lorsque les carrosses passèrent devant eux. Ils n'étaient pas au bout de leurs peines, car lorsque l'empereur et les siens furent retournés aux Tuileries, ils durent regagner le ventre creux leurs casernements, ce qui représentait plusieurs heures de marche et là, avant de se reposer ou de manger, il leur fallut nettoyer habits et matériel, « travaillant comme des nègres ». Aussi bon nombre d'entre eux moulus et brisés se firent-ils porter malades. Le caporal (et futur maréchal) Bugeaud a merveilleusement raconté cet épisode qu'il a tenu pour un des plus mauvais souvenirs de sa vie militaire. Quant aux civils, très peu nombreux tant en raison du mauvais temps que parce que les haies de soldats les empêchaient de voir (mais c'était volontaire pour empêcher le jet d'une bombe), ils demeurèrent atones. Pas ou peu de « Vive l'empereur ! ». Du reste, personne ne reconnut Napoléon dans sa tenue un peu inhabituelle et cette froideur déplut au souverain.
Berthier en grand uniforme caracolait comme ses camarades aux portes du carrosse. Arrivé à Notre-Dame, il fit partie des six qui portèrent les insignes du pouvoir : Kellermann la couronne que l'on supposait être celle de Charlemagne, Pérignon son sceptre, Lefebvre son épée, Bernadotte son collier, Eugène de Beauharnais l'anneau et enfin Berthier le globe. Ils étaient escortés et encadrés par des aides de camp, des chambellans, des écuyers et des officiers de la couronne.
L'empereur ayant à ses côtés deux de ses frères pénétra dans la cathédrale, suivi par les six porteurs qui précédaient un certain nombre de grands dignitaires. Pendant la cérémonie, il y eut comme un flottement car, en dehors de la couronne et du sceptre, Napoléon ne prit aucun des autres insignes et les porteurs restèrent un instant sans savoir qu'en faire. Ils finirent par les déposer sur l'autel.
Les jours suivants, il y eut de
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