Le Maréchal Berthier
après la réception solennelle, au cours d'une audience impériale à grand spectacle, il demanda officiellement la main de l'archiduchesse pour son maître. Bien entendu, François II donna son consentement. Mais, également consultée pour la forme, l'archiduchesse, répondant qu'elle obéirait à son père, manqua à tel point d'enthousiasme que Berthier se demanda si Napoléon ne commettait pas une erreur. Il ignorait que la princesse avait déclaré à une amie, quelques jours plus tôt, que l'idée de devoir épouser ce « monstre » buveur de sang » la remplissait d'effroi !
Le maréchal offrit à l'archiduchesse un portrait de l'empereur, orné de diamants. Puis, il se rendit avec la même pompe à l'appartement d'apparat de l'archiduc Charles à qui il exprima le désir de Napoléon d'être représenté par lui dans les cérémonies du mariage (mais on sait que ce choix avait été laissé à Berthier). L'archiduc fut très flatté de ce choix, comme le prince de Wagram – qui, depuis quelques jours, avait demandé à son entourage d'éviter de lui donner ce titre – l'avait prévu. Celui-ci répondit par des paroles tout à fait de circonstance, évoquant l'amitié et la paix entre les deux peuples, comme s'il avait pressenti l'honneur qui lui était fait et auquel il se serait préparé.
Chaque jour, Berthier écrivait à Napoléon mais lui décrivait davantage l'ambiance qui avait tendance à se réchauffer (les manières très « vieille France » de Berthier y étaient pour beaucoup) plutôt que le détail des cérémonies au protocole assez désuet. Toutefois, ses propos plutôt optimistes auraient certainement été tempérés s'il avait eu connaissance des paroles cyniques du prince de Ligne qui, parlant de l'archiduchesse, l'avait qualifiée de « belle génisse sacrifiée au Minotaure », traduisant ainsi la pensée profonde du gouvernement autrichien.
Le mariage fut célébré le 11 mars, dans la soirée. Par une de ces étrangetés de l'étiquette autrichienne, ce fut l'archiduc Charles, oncle de la mariée et représentant de son futur époux, qui conduisit l'archiduchesse à l'autel et non son père. Au moment de l'échange des anneaux, Marie-Louise tint à reprendre celui de Napoléon « pour le lui remettre elle-même », précisa-t-elle. Suivit un grand banquet et, dans toutes les festivités, la place de Berthier venait après celle des archiducs. Le lendemain, les acteurs un peu épuisés se reposèrent ; mais Berthier, qui connaissait l'impatience de Napoléon, partit le soir même, après avoir pris congé de la famille impériale qui ne fit pas grand effort pour le retenir. Il précédait d'une journée la nouvelle impératrice des Français.
À Braunau eut lieu ce qu'on appelait la « remise de l'archiduchesse », c'est-à-dire que le personnel de la cour autrichienne céda la place à celui de France. Ce fut encore une cérémonie longue et fastidieuse : adieux, présentation et prise en main de Marie-Louise par Caroline de Naples, épouse de Murat et soeur de Napoléon, qui, à en croire certains propos, s'employa à la déniaiser, au moins en paroles.
De là, le cortège gagna Munich où les attendaient de nouvelles fêtes. Tout au long de la route, ce ne fut que manifestations de joie et le cortège arriva le 27 mars à Compiègne. Napoléon était venu au-devant de l'archiduchesse et, sans même attendre le second mariage qui fut célébré le 31 mars à Paris, il la mit dans son lit, le soir même de son arrivée.
Cette ambassade, tout en représentation, avait fatigué Berthier. Il aurait souhaité prendre quelque repos, car il approchait de la soixantaine et avait des ennuis de santé. Mais il sentait que Napoléon ne se passerait pas aisément de ses services. Par ailleurs, il n'était pas mécontent de jouir de tous les avantages que lui procurait sa position sociale élevée et savait que s'il voulait prendre sa retraite, du jour au lendemain, il ne serait plus rien et risquerait de perdre tout ou partie des importants revenus dont Napoléon l'avait gratifié. Il est curieux de noter que lui qui prenait grand soin de bien gérer ses intérêts se désintéressa en quelque sorte de ses deux plus grandes propriétés terriennes : Neuchâtel où il n'alla jamais et Chambord où il ne se rendit qu'une fois pour inspecter des travaux. Seul, le domaine de Grosbois fut pour lui l'objet de son attention. Il l'embellit, l'agrandit par des achats de terrains jusqu'à en
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