Le Maréchal Berthier
Berthier, ainsi que Talleyrand, Champagny et Duroc, se prononcèrent pour l'archiduchesse d'Autriche. Mais quand, un peu plus tard, un ami lui demanda de justifier son choix, il fut incapable de trouver des arguments. La discussion s'acheva dans la confusion, ce qui permit à Napoléon de ne pas prendre immédiatement position.
Si les péripéties du divorce avaient occupé une partie du temps de Berthier, il en consacrait bien davantage aux affaires d'Espagne. Il bombardait de questions, sans passer par l'état-major de Madrid, les différents chefs de corps, car il estimait que ni lui ni l'empereur n'étaient réellement tenus au courant de ce qui se passait dans le royaume. Les rapports qu'il recevait étaient vagues, embrouillés, nébuleux, chacun accusant plus ou moins ses voisins d'être à l'origine de ses propres mécomptes. Au demeurant, les mêmes sujets, jamais résolus, revenaient sans cesse sur le tapis, et si elle n'était pas ouvertement évoquée, la médiocrité et la mauvaise volonté pour ne pas dire plus du roi Joseph transparaissaient dans les comptes rendus de tous les généraux français.
Au début de février, le choix de Napoléon s'était arrêté sur une archiduchesse autrichienne. L'empereur informa son ministre des Affaires étrangères, Champagny, que la demande officielle en mariage et l'union par procuration seraient effectuées par « le prince de Neuchâtel et de Wagram ». Il se rendrait à Vienne avec le titre d'ambassadeur extraordinaire. Son départ fut programmé pour le 22 février et Berthier se prépara avec sa célérité ordinaire. Pourquoi l'avoir choisi pour un rôle aussi particulier ? Napoléon voulait être représenté par un soldat. Or la plupart d'entre eux avaient des manières de soudards, et Alexandre était peut-être le seul rompu aux manières d'une cour très rigoureuse sur l'étiquette. Avec sa politesse bien connue, il n'y détonnerait pas.
Étant donné le caractère solennel de la mission, il se fit accompagner d'une suite particulièrement brillante mais entièrement masculine : quatre aides de camp, une demi-douzaine de civils dont le gouverneur de Neuchâtel, Lesperut, au demeurant tous gentilshommes. On était loin des « citoyens » de la Révolution !
Les Autrichiens ne voulurent pas être en reste et l'accueillirent ave faste, faisant montre d'une joie qui semblait sincère. Le prince Esterhazy qui les attendait à la frontière se montra particulièrement attentionné. Si l'ambassadeur de France à Vienne fit montre d'enthousiasme dans ses rapports à Champagny sur l'accueil qui était réservé à Berthier, celui-ci fut plus nuancé dans les siens à l'empereur. La famille impériale entière adopta une attitude polie mais froide. Visiblement, l'empereur François II avait quelque peine à admettre que son futur gendre était le même individu qui moins d'un an avant était entré en vainqueur dans sa capitale et avait couché dans son lit. Sa femme et ses frères calquèrent leur comportement sur le sien. Seul l'archiduc Charles, incontestablement le plus intelligent de tous, se montra chaleureux et presque amical. Mais il passait pour libéral, ce qui n'était pas une bonne note au sein de sa famille. Berthier était trop fin pour ne pas avoir saisi toutes les différences de ce comportement collectif. Aussi, lorsque après la cérémonie d'accueil il eut regagné ses appartements, ce fut incognito qu'il se rendit au palais du prince Charles qui l'attendait. Ils parlèrent d'abondance de la campagne de 1809 et se séparèrent fort contents l'un de l'autre. En fait, Berthier avait un service à demander à l'archiduc qui, suivant ses dispositions d'esprit, pourrait lui paraître un honneur ou une corvée, et il tenait à le sonder avant d'aborder le sujet. Le protocole de la cour de Vienne exigeait, en effet, que le futur mari d'une archiduchesse, s'il n'était pas présent au mariage, fût représenté, et par quelqu'un d'autre que celui qui épouserait la jeune fille par procuration. Tenu au courant de cette bizarrerie, Napoléon, qui n'avait aucune idée de la personne à qui demander de jouer ce rôle, en avait laissé le choix à Berthier, se fiant à son savoir de la vie de cour et à son tact.
Dès le moment où Berthier arriva à Vienne, ce ne furent que fêtes, bals, banquets et autres festivités. Le peuple à qui des distributions de vivres et de vin avaient été généreusement faites, manifesta son enthousiasme. Deux jours
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