Le maréchal Ney
mille Russes.
Bernadotte ne put rallier à temps et ne participa pas à la bataille. Davout, en revanche, arrivé dans la nuit du 7 au 8 février, constitua l’aile gauche. Quant à Ney, il avait reçu une mission particulière : celle de « marquer » le corps prussien de Lestoc pour l’empêcher de rejoindre les Russes.
C’était une action assez facile, du moins en temps ordinaire, mais la neige et une épaisse brume la rendaient plus aléatoire.
Lestoc, qui connaissait bien le pays, réussit à s’évanouir dans le brouillard. En vain, Ney tenta de se lancer à sa poursuite. Il s’aperçut vite qu’il tournait en rond. Ses soldats parvinrent tout de même à capturer quelques Prussiens, dont l’interrogatoire ne révéla rien. Le maréchal avait compris qu’une bataille était en train de se livrer, car il entendait le canon, mais de même que ses officiers, il était incapable de déterminer la direction d’où venait le son. Il erra ainsi une partie de la journée, d’autant plus irrité qu’il devinait que Lestoc était en train de rallier Bennigsen. Ce ne fut qu’au milieu de l’après-midi du 8 qu’un flanqueur, ayant eu la bonne idée d’escalader un talus, entrevit assez loin les lueurs de départ de nombreuses pièces. Aussitôt Ney accourut et comprit qu’il était en vue du champ de bataille. Mais le terrain qu’il dut alors parcourir était si mauvais, qu’il n’y parvint que vers six heures du soir, la nuit tombée.
Toute la journée Bennigsen avait tenté en vain de couper en deux l’armée française. Seule une vigoureuse charge de cavalerie menée par Murat avait brisé sa principale attaque. Lorsque Lestoc fit un peu plus tard sa jonction, le général russe pensa le lancer à son tour à l’assaut des Français par une ultime tentative. Mais le Prussien lui annonça qu’il avait un corps d’armée ennemi sur les talons, ce qui n’était pas absolument exact, et Bennigsen fut contraint de déployer ce renfort inattendu face à la direction d’où il venait. Lorsque Ney, que Napoléon n’attendait plus, déboucha sur le champ de bataille d’Eylau, les Prussiens renforcés de Russes étaient prêts à le recevoir.
Sans se hâter, Ney procéda au déploiement de ses divisions et soumit l’ennemi à un feu précis que suivit aussitôt après une charge générale à la baïonnette. Les alliés ne tinrent pas. Leur droite pliait et commençait à être débordée. À regret, Bennigsen, qui avait cru pouvoir s’accrocher au terrain toute la nuit, ordonna la retraite générale. Ney pensa avec raison pouvoir en profiter pour transformer celle-ci en déroute, car ses troupes étaient fraîches et l’adversaire visiblement épuisé. Mais un ordre impératif de Napoléon l’arrêta. De toute manière, la victoire était due à sa seule intervention. Il estimait que l’empereur avait fait preuve de timidité en le stoppant et il le cria tout haut devant son état-major. Il ignorait encore l’importance des pertes, et que les coffres à munitions étaient à peu près vides.
Un peu plus tard, il rencontra l’empereur dans une cahute qui lui servait de logement. L’homme avait perdu sa superbe et sa dynamique. La tête dans les mains, il demeurait taciturne. Il commençait à comprendre que les soldats russes sur leur terrain étaient d’une autre trempe que les Autrichiens ou les Prussiens. Il chargea donc le maréchal de suivre à distance, sans engager le combat, l’ennemi qui se retirait vers Koenigsberg. Ney dut retraverser le champ de bataille, un charnier ; quarante mille cadavres le jonchaient, sans compter quelques milliers de chevaux. Parquin raconte que, dans la nuit qui suivit, il se fit un oreiller d’un corps recouvert de paille !
Le sol présentait un mélange de boue, de neige et de sang. Certes l’offensive de Bennigsen était brisée, sa tentative pour détruire l’armée française en hiver avait échoué, mais à quel prix !
Si de son côté Napoléon était, en fin de compte, demeuré maître du champ de bataille, il n’avait pas anéanti l’armée russe. Eylau, une demi-victoire, était un coup pour rien. L’empereur mécontent essaya bien de faire porter la responsabilité de son insuccès à ses lieutenants. Pour la première fois, il se heurta à une colère quasi générale des maréchaux, et si Ney pour sa part garda le silence, tout en nourrissant ses griefs, d’autres, dont Soult, Lannes et même le fidèle Berthier, ne
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