Le maréchal Ney
particulier Hambourg. Alors se produisit le premier mouvement de révolte des maréchaux. Tous, Berthier et Ney en tête, entreprirent sans prendre de gants de lui montrer le manque de réalisme du projet avec les effectifs fatigués et diminués dont il disposait. Les généraux frondaient à présent ouvertement derrière le dos de l’empereur et déclaraient qu’il était devenu fou !
Napoléon se résigna donc, quoique cela lui répugnât, à attendre ses adversaires devant Leipzig, leur laissant l’initiative des opérations, mais s’assurant tout de même une voie de retraite. Le 13 octobre, la Bavière changea de camp et ses troupes vinrent grossir les forces autrichiennes. Cette défection ne serait pas la dernière. Trois jours plus tard, s’engagea la bataille de Leipzig.
Les corps de Ney furent positionnés au centre du dispositif français et Napoléon leur assigna un rôle simple : tenir face aux assauts ennemis, tandis que lui-même se réservait de manoeuvrer aux ailes. La journée du 16 octobre se passa bien. Dans leur ensemble, les divisions françaises réussirent sans trop de peine à contenir la poussée de l’ennemi. Pourtant, elles luttaient à un contre trois. Il est vrai que, par des charges furieuses, Murat cassa leur élan. Ney, qui avait détaché deux de ses divisions sur sa droite pour soutenir Poniatowski en difficulté, se vit contraint de reculer jusqu’à la ville sous les coups de Blûcher. Mais ses lignes demeuraient intactes. Berthier lui écrivit le soir même : « Nous allons attaquer l’ennemi, sur lequel nous avons eu hier beaucoup de succès. Si nous parvenons à le mettre en déroute, tout peut encore être sauvé. » Berthier croyait-il vraiment à ses paroles, se leurrait-il, voulait-il masquer ses propres inquiétudes ? Car jusque-là il s’était montré extraordinairement lucide.
Le second jour vit la fin de l’offensive française et le début de celle menée par l’ensemble des troupes alliées. La disproportion des forces allait en augmentant au fur et à mesure de l’entrée en ligne de nouvelles unités. Ce fut ce jour-là que, bien que la situation ne fût pas catastrophique, Napoléon prononça le mot de retraite et prit les premières mesures pour la mettre en oeuvre.
Ney, au centre, tenait toujours les positions sur lesquelles il s’était replié la veille, mais faute de renforts pour compenser ses pertes, il éprouvait de plus en plus de difficultés. C’est pourquoi il se tint constamment sur la ligne de feu, non parce qu’il cherchait à se faire tuer, mais pour maintenir le moral de ses hommes, qu’il sentait fléchir. Ce même jour, les Saxons, encore alliés de Napoléon, passèrent à l’ennemi. L’événement en soi était mineur. Ils n’étaient que quatre mille, mais cette trahison provoqua un flottement dans un des corps de Ney, qui craignit de nouveau de voir ses troupes se débander. L’aide que lui apporta Marmont en cet instant et son propre comportement évitèrent un nouveau désastre. Mais le 18 au matin, alors qu’il prenait ses dispositions pour commencer sa retraite vers le pont sur l’Elster, il fut jeté à terre et contusionné par un boulet, au point d’être incapable de commander.
Malgré ses protestations, Ney fut évacué. Il traversa le fleuve sans encombre. Sa commotion avait été assez forte pour que Napoléon, qui avait pourtant besoin de tous ses maréchaux, le renvoyât en France « se reposer ». Aussi ne participa-t-il pas à ce retrait d’Allemagne, qui dura encore plus de deux mois.
Les nouvelles étaient mauvaises, Napoléon voulut cacher l’absence de Ney. Le maréchal voyagea donc incognito, mais le 1 er novembre, alors qu’il s’arrêtait à La Fère-Champenoise, en route vers Paris, il fut reconnu et acclamé.
*
En traversant la France, Ney observa l’état d’épuisement du pays. Tant en raison des efforts qu’avait demandés l’empereur que des contraintes que faisait peser le blocus britannique, l’économie était épuisée. À cause de l’ampleur qu’avait prise la conscription, toutes les classes sociales aspiraient à la paix, cette paix que les maréchaux avaient conseillée à leur souverain au moment du congrès de Prague.
Des proclamations royalistes circulaient, non sous le manteau, mais plus ou moins ouvertement. Le maréchal en découvrait jusque dans son assiette à table ! Il était sombre et inquiet pour l’avenir de la France, car il avait compris
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