Le maréchal Ney
reste, ne semblait entamer son optimisme. Pourtant, dans le courant de février, le général de Bourmont, son adjoint à Besançon, lui écrivit pour lui signaler qu’en Suisse, donc près de la frontière de son gouvernement, se produisaient des mouvements bonapartistes, probablement dirigés par l’ex-roi Joseph, en résidence à Lausanne. Bourmont demandait s’il n’y avait pas lieu de renforcer les troupes en couverture sur la frontière. Ney se hâta de le rassurer. Même si les suppôts de Bonaparte s’agitaient, ils n’étaient qu’une poignée et leurs préparatifs seraient sans conséquence. Il était donc parfaitement inutile pour l’heure de prendre des mesures conservatoires qui relevaient de la police.
Ironie du sort, cette lettre quitta les Coudreaux le 1 er mars. Le maréchal était dans la plus totale ignorance des projets de Napoléon. Un courrier de Soult se présenta le 6 mars dans la soirée chez Ney. Il était porteur d’un ordre du ministre enjoignant à Ney, sans un mot d’explication, ce qui était bien dans la manière de Soult, de se rendre de toute urgence dans son gouvernement.
Étonné, presque choqué, le prince de la Moskowa se demanda quelle mouche avait piqué son camarade.
C HAPITRE XII
LA CAGE DE FER
( MARS - JUIN 1815)
L’officier qui apportait la lettre de Soult fut incapable de fournir une explication aux instructions du duc de Dalmatie. Le message envoyé de Marseille à Paris par Masséna annonçant le débarquement de Napoléon en Provence avait été tenu secret au ministère. Néanmoins, Ney estima que la lettre devait avoir un motif grave. Une crise européenne nécessitant une mobilisation semblait improbable. Alors ? Plutôt que de perdre du temps à chercher à résoudre une énigme, Ney décida de se mettre en route, mais au lieu de prendre la traverse vers Besançon, il fit un crochet par Paris.
Au ministère, pensa-t-il, il serait mieux à même d’apprécier la situation. Il arriva chez lui le 7 en milieu d’après-midi et tomba sur son notaire qui lui apprit la nouvelle. À présent, elle courait la ville. La réaction du maréchal fut celle d’un fidèle serviteur du roi : « Quel malheur, quelle chose affreuse, que va-t-on faire ? » s’écria-t-il. L’idée d’abandonner la cause des Bourbons ne lui vint pas une seconde à l’esprit. Et il se rendit au ministère de la Guerre qui, pour quelques jours encore, était occupé par le maréchal Soult. Celui-ci, étonné de le voir à Paris et non sur les routes de Franche-Comté, le reçut plutôt froidement et commença par refuser de le mettre au courant des mesures prises. Ce ne fut que lorsque Ney eut annoncé que de toute manière il ne partirait pas avant d’avoir été reçu par le roi que le duc de Dalmatie consentit à se montrer un peu plus explicite.
En apprenant le débarquement de l’usurpateur, la première réaction de Louis XVIII avait été de mettre son frère et ses neveux à la tête des troupes chargées de l’arrêter. Avec beaucoup de bon sens, Soult avait attiré l’attention du roi sur leur incompétence en matière militaire. Il avait suggéré de faire plutôt appel à des maréchaux ou à la rigueur de les adjoindre comme conseillers aux trois princes, des conseillers qui en réalité seraient les commandants de l’armée. Les maréchaux connaissaient la situation et, choyés par la Restauration, n’étaient pas favorables à une nouvelle aventure napoléonienne.
Parmi les noms avancés, il y avait celui de Ney. On le tenait pour sûr et acquis aux lis. Son attitude l’année précédente, au moment de l’abdication de Fontainebleau, plaidait en sa faveur et ne le mettait guère en mesure de rallier Napoléon. De par sa position à Besançon, il se trouverait sur le flanc de la route que devrait prendre l’envahisseur, à même d’arrêter sa marche sur Paris.
Soult précisa à son camarade que des instructions détaillées avaient déjà été expédiées au général de Bourmont, toujours sur place, et que Ney en prendrait connaissance en arrivant à Besançon. Puis il le pressa de monter en voiture. Mais le prince de la Moskowa avait décidé que, dans une situation aussi grave, il était de son devoir de voir le roi. Son rang et les responsabilités dont on le chargeait lui en faisaient une obligation. Soult, qui sentait peut-être ce que l’attitude de son visiteur avait d’exalté, tenta de le retenir. Il expliqua que le souverain était
Weitere Kostenlose Bücher