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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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terriblement, finît par tomber à ses pieds. Après quoi il appuya le bout de son bâton contre la nuque du vaincu. Sam jeta un coup d’œil affectueux en direction de Jehanne, qui dit :
    — Arrête, Sam, ce n’est plus drôle.
    Mais le jeune Écossais fit la sourde oreille. Il abaissa les yeux sur sa victime et lui dit :
    — N’abusez pas de ma patience, messire. Devrai-je faire usage de ma hache ?
    — Pitié, messire le seigneur, supplia Berthe d’une petite voix bien crédible.
    Renaud se releva et fit un bond en arrière. Avec beaucoup d’ostentation, il retira l’un de ses vieux gants dont deux doigts avaient été mâchonnés par un chien et le lança aux pieds de Sam, qui dit :
    — Je vois… Oh, merde ! Le voilà qui rapplique.
    Au milieu du groupe hilare, il fonça vers une pile de caisses vides derrière laquelle il s’accroupit juste à temps. Louis s’en venait dans leur direction, en compagnie du père Lionel et de deux paysans avec qui il discutait. Il demanda à Jehanne :
    — Excusez-moi de vous déranger, mais vous n’auriez pas vu mon manteau ? Je l’avais laissé pas très loin d’ici.
    — Euh… je…
    — Mais qu’est-ce qu’il fait là ? demanda Louis, en pointant du doigt en direction des caisses au-dessus desquelles le vêtement était soudain apparu comme sortant de nulle part, étendu avec une certaine négligence. Les enfants pouffaient. Jehanne se reprit :
    — Oh… c’est que… voyez-vous, c’est moi qui l’ai trouvé et ramené ici. Je croyais que vous l’aviez oublié ou perdu. Je… je vous l’aurais moi-même rapporté à la maison.
    — Merci. Trop aimable.
    Elle alla prendre le floternel* à deux mains comme une chose précieuse et s’avança vers lui afin de le lui remettre. Il demanda encore :
    — Autre chose : si vous voyez Aitken, dites-lui que j’ai affaire à lui.
    — D’accord, maître, je le lui dirai. Si je le vois, bien sûr.
    Les enfants qui riaient sous cape n’aidaient vraiment pas la cause de Jehanne. Louis leur jeta un bref coup d’œil, mais, s’il soupçonna quelque chose, il ne fit semblant de rien. Il salua sa fiancée d’un signe de tête et repartit.
    L’après-midi tirait déjà à sa fin et Sam dut à regret abandonner son statut et ses vassaux pour retourner faucher. Alors qu’il s’en allait en traînant les pieds, l’appréhension au cœur à cause de ce qui l’attendait, les rires insouciants continuèrent sans lui à s’élever comme autant de clochettes dans l’air doré et tiède, où ils s’amalgamèrent joliment au chant des criquets.
    Si le reste de la journée ne lui fut pas trop pénible, ce fut grâce au père Lionel. Louis l’avait lui aussi affecté à la fauchaison, tâche dont le religieux arrivait à s’acquitter sans trop de maladresse. Lui et Sam s’encourageaient mutuellement avec des variations polyphoniques élaborées à partir de plain-chant (113) . Si Louis leur jetait de fréquents coups d’œil, il ne manifesta aucun signe de désapprobation, ce qui les surprit d’ailleurs beaucoup.
    *
    En cachette, Sam s’était pelotonné en haut de l’escalier, ravi d’être arrivé à temps pour ne rien manquer du spectacle. Le bourreau venait de trouver son bout de parchemin épinglé à la porte du bouge*. Il l’avait rapporté avec lui dans la grande pièce.
    — Qu’est-ce que c’est que ça ?
    Lionel était assis seul à table avec un livre. Il dut se reculer un peu afin de mieux voir l’illustration que Louis, qui se tenait debout derrière lui, brandit presque à la hauteur de son nez.
    — Ma foi, on dirait bien qu’il s’agit de la Faucheuse. Autrement dit, de la Mort, telle qu’on la représente parfois, vêtue d’une robe à capuce noir et tenant une faux.
    — Oui, bon, je ne suis pas aveugle. Je vois très bien ce que c’est. Mais ce n’est pas ça que je vous demande.
    Lionel l’interrompit et lui prit le feuillet des mains :
    — Voyons cela d’un peu plus près. Cette illustration-ci a une particularité des plus intéressantes. Je n’avais jamais vu cela avant. Regardez, là : cette Faucheuse possède un visage d’homme. Oh, mais c’est…
    — C’est moi. Je l’avais déjà remarqué, figurez-vous. Ce que je veux savoir, c’est ce qu’il y a d’écrit là-dessous. Lisez-le-moi.
    Le père Lionel n’avait guère le choix. Pas avec l’homme qui se tenait penché au-dessus de lui comme une menace. Il déglutit péniblement et

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