Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
Vom Netzwerk:
certain Saint-Pons, officier d’un régiment appartenant au duc d’Orléans. C’était un brave garçon sans doute mais son esprit ne me convenait pas. J’ai été avec lui dans toutes les dispositions qu’il fallait pour ne pas en venir au but qu’on s’était fixé à ma place : proche avec éloignement, empressée avec froideur… Il a fini par se lasser de mon indifférence. Il est parti dans les Flandres, animé du secret espoir de réveiller mes feux du fracas de ses exploits. Comparée à la mienne, votre tâche sera facilitée : vous n’aurez à vaincre que des gens sans passion, et seulement préoccupés de soupeser vos chances de bon établissement.
    – Peut-être, convint Victor, mais tandis que votre protecteur conserve à peu près l’impalpabilité de l’ombre, ceux qui calculent pour moi sont légion. Que faire, par exemple, si madame de Fontalon, la tante de Diane et la plus constante amie de mes tuteurs, parvenait à les persuader de sceller l’union qu’elle appelle de ses vœux ?
    – Ne nous tourmentons pas à supposer le pire, reprit Clémire, pour le moment dites-vous que vous n’avez rien vu, rien entendu, rien compris. Attendez qu’on vous mette les points sur les i… Soyez sans finesse…
    Elle s’arrêta pour gober avec amusement la mine déconfite de son élève.
    – Et du courage, que diantre ! personne n’est jamais vraiment mort de se marier.
    Le samedi suivant était le jour fixé par Brandelis de Grandville pour reparaître. Victor, impatient et nerveux, s’était posté, bien avant cinq heures, au lieu convenu, devant le tombeau de Colbert, à Saint-Eustache.
    Le froid avait attiré dans l’église quelques vieilles marchandes de volaille, venues de Pantin emmaillotées dans des chiffons et qui se bousculaient autour du brasero qu’un sacristain compatissant venait d’installer sur la pierre tombale d’un chanoine. La fumée, en se rabattant dans le déambulatoire, faisait éternuer la petite assistance d’un misérable convoi, grelottante et empêchée de fuir, réduite à se serrer autour d’un cercueil posé sur deux chaises de paille. Des suisses en guenilles, mais qui portaient martialement leurs longues pertuisanes, vaquaient à la police des lieux ; ils pourchassaient les chiens, délogeaient les gueux endormis dans les confessionnaux, couraient les garnements qui faisaient la courte échelle pour pisser dans les vieux bénitiers de grès.
    L’abbé parut à l’heure dite mais, parce qu’il s’était travesti en laquais, Victor ne le reconnut que lorsqu’il fut à deux pas de lui. Sans son opulente crinière, avec des cheveux courts rabattus de chaque côté d’une raie, vêtu d’une livrée d’étamine brune à boutons grelots, il se serait sans doute fondu dans l’impassibilité du troupeau si ses yeux, dévorés de feu, ne l’avaient pas trahi.
    – Vous êtes là ! c’est bien ! fit-il de ce sempiternel accent cassant dans lequel résonnait cette fois l’écho d’une profonde lassitude.
    – J’ai conduit votre sœur à Colombes, je suis retourné l’y voir dimanche… Elle va on ne peut mieux.
    Brandelis de Grandville fit un visible effort pour contenir l’exhalaison de son soulagement puis il enchaîna sans reprendre haleine :
    – A-t-elle reçu mes manuscrits ?… Travaille-t-elle ?
    – Autant qu’avant, peut-être plus, répondit Victor qui commençait à s’habituer aux phrases galopées et dures de son interlocuteur.
    – Il faut œuvrer d’arrache-pied, reprit l’abbé, notre salut n’est plus désormais qu’à nous rendre intouchables. Je suis la victime d’une affreuse machination… Poussons-nous dans la nef, je vous entretiendrai à l’écart du tumulte que produisent ces pies !
    Ils quittèrent le bas-côté que venait d’envahir un second groupe de pourvoyeuses en grand émoi et allèrent s’installer sur les bancs disposés pour l’office des ténèbres, face au maître autel désert.
    – Je n’ai d’abord pas cru à cette affaire de reliques pour laquelle vous m’avez alerté il y a dix jours. Hélas ! j’ai dû bien vite me convaincre qu’il s’agissait de cela… C’est un complot monstrueux et qu’on amplifie en me chargeant seul des crimes qu’a inspirés mon accusateur.
    – Qui peut vous vouloir tant de mal ? s’enquit Victor.
    – Je vous dirai son nom tout à l’heure. C’est le même personnage qui, après l’avoir soutenu et encouragé, s’apprête à livrer votre ami le marquis

Weitere Kostenlose Bücher