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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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des Éperviers à la justice. Il est d’autant plus impitoyable que ses pouvoirs sont aujourd’hui sans limite et que moi, obsédé seulement de l’idée de me faire un nom, complice pour cela de ses forfaitures, je l’ai servi aveuglément.
    – Que faisiez-vous pour lui ?
    – Toutes sortes de choses : les mémoires, les lettres dont il avait besoin pour pousser à grandes brides ses affaires. Je lui donnais des avis sur les cas de religion qui naissaient dans ses domaines, je rédigeais sous son nom des lettres et des libelles, j’agissais en sous-main auprès des juges pour les corrompre…
    – Rien de cela n’a rapport aux reliques, fit observer Victor.
    – J’y viens, malheureusement, poursuivit Brandelis d’une voix qui ne cessait de se dissoudre, ce personnage, il y a deux ans de cela, avait pour maîtresse une femme de haut lignage, plus belle et plus resplendissante que l’aurore. Au bout de quelques mois d’une passion sans frein, elle fut tourmentée des prémices d’une terrible langueur. C’était une de ces tumeurs dont on ne revient pas et il fallut se résoudre à lui abattre un sein… Elle endura cette barbarie crânement, attentive seulement à la douleur de son amant et veillant à lui paraître aimable sans faiblesse. Je venais d’être tonsuré, il m’avait demandé de demeurer auprès d’elle, d’être son confesseur… Je devins ainsi le confident des sanglots et des larmes qu’elle n’étouffait qu’au creux de mon épaule. Pendant plus d’une année elle est restée suspendue au halètement de la mort, se dévorant d’angoisses et de tourments mais, dans ces affres même, toujours aussi désirable… Par l’effet de ces superstitions qui viennent aux moribonds, elle s’était persuadée qu’en appliquant sur sa blessure les reliques du plus grand nombre de saints possible, elle finirait par atténuer ses douleurs et, peut-être, en trouver un parmi eux qui la prendrait en pitié et la soulagerait.
    L’abbé s’empara du poignet de Victor. Ce fut comme un bracelet de feu prêt de sectionner sa main. Ses lèvres balbutièrent :
    – Je m’étais, moi aussi, épris d’elle ! J’aurais fait n’importe quoi pour la voir apaisée et l’entendre me rendre grâce… Aussi cédai-je à ses pleurs et employai-je sans hésiter mon crédit de prêtre à obtenir ce qu’elle demandait.
    – Et votre maître, s’enquit Victor, était-il informé de ce que vous faisiez ?
    – Il savait tout ! Il me suppliait d’agir !… Il me donnait d’avance des sommes considérables… Il l’aimait à la folie ; elle était la fleur éclose dans une vie de débauches et de bougrerie. Près d’elle, il s’était mis à croire aux miracles et cette agonie le conduisait insensiblement sur la voie de la conversion… Hélas ! rien n’y fit, ni sa passion, ni la mienne, ni nos prières, ni l’intercession de tous les saints du paradis. Elle est morte le jour de Noël 1701 au château d’Anet, écrin que l’on dirait n’avoir été réussi si parfait que pour sécher les plus belles roses 179 .
    – Et c’est de ces achats faits à sa demande dont se sert aujourd’hui votre ancien protecteur pour vous accabler ?
    – Oui ! il détient plus de cent reçus signés de ma main à des curés qui commettent le crime de distraire les trésors de leur paroisse. Plus grave encore, quelques correspondances avec un juif connu pour receleur des vols de sacristies… L’interdiction du commerce des reliques ne me laissait pas d’autre moyen de me procurer ce que voulait cette femme… J’ai ainsi précipité ma perte pour tirer quelques sourires des grimaces d’une mourante.
    – Mais pour quel motif votre ancien protecteur s’acharne-t-il à présent contre vous ? demanda Victor.
    – Pour la même raison qui le fait chercher à réduire votre ami, le marquis des Éperviers, au silence, répliqua l’abbé, parce qu’il a fait sa paix avec Louis XIV au début de cette année, qu’il est actuellement en tête d’une armée et que, se voyant revenu dans l’antichambre du pouvoir, il ne veut laisser derrière lui aucun témoin de ses récentes forfaitures.
    – Je vous en prie, supplia Victor, dites-moi quel est ce monstre !
    – Le duc de Vendôme ! le propre cousin du roi… Celui qui a ordonné l’assassinat de maître Péruchot.
    Notre héros tressaillit, cinglé par ce nom qu’il n’avait jamais entendu prononcer par Maximilien, maître Pierre ou les hôtes de son oncle,

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