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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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et qui servait à tuer son ennemi s’il ne criait pas miséricorde.
    60 . Ceux qui sont chargés de recouvrer l’impôt.
    61 . Attaque de nuit.
    62 . Gros cierge de résine qu’on plaçait dans les cheminées.

CHAPITRE QUATRIÈME
    Au roc d’Ambayrès,
dans le repaire du marquis des Éperviers
    Une nouvelle fois, pour poursuivre sa route, Victor dut s’arracher à sa félicité. Cette seconde séparation, malgré la nouveauté des liens qu’il venait de tisser, lui laissait à la bouche presque autant d’amertume que lorsqu’il avait dû, quatre jours auparavant, quitter son cher Gironde. Comme resteraient vives assurément ces quelques heures cognées d’événements au cours desquelles le chevalier s’était imposé à lui en modèle de ce qu’il désirait devenir, inoubliables aussi ces honnêtes caresses, suivies de doux entretiens, qui lui avaient permis d’entrevoir l’amour dans le fond du regard de Marie. Tant de rebondissements, doublés d’aussi rudes émotions, avaient jeté la confusion dans son esprit. Il était impressionné par l’accélération du temps, redoutant à la fois de n’être pas fidèle aux dernières pentes de ses sentiments et de replonger dans le dédale des chagrins de l’arrachement. L’injustice de la proscription, qui empêche le fugitif de poser quelque part sa besace, revenait, tel un ressac, rouvrir ses premières plaies et raviver ses angoisses.
    Pour être tout à fait certain de ne rencontrer aucun des habitants de Rignac, il avait déguerpi vers quatre heures et s’était échappé au grand galop pour rattraper au Dorat la route du Blanc. Sa jument reposée, à laquelle Jacquin avait prodigué des soins experts, fila si bon train qu’il dépassa vers midi les derniers contreforts du Limousin qu’un soleil débridé avait depuis longtemps fait virer à des tons fauves. La chaleur était revenue avec l’aube, tenace et lancinante. Dans les lointains, de sinistres corbeaux, cloués au sol par le manque de vent, mouchetaient les champs restés encombrés de chaumes.
    Peu après midi, lorsque tout fut en feu, l’orage creva. Une lavasse à la consistance d’huile, foudroyant en pleine course cheval et cavalier, gomma dans l’horizon un village qui s’était signalé depuis loin par un clocher penché. C’était un hameau d’à peu près vingt maisons qui avait nom Brigueil, si misérable et désert qu’on l’eût dit maraudé 63 . Lorsque Victor put l’atteindre, après être sorti plusieurs fois de sa route, il n’y trouva que trois porcs efflanqués qui se vautraient avec volupté dans le jus noir d’un fumier raviné par la trombe. Il n’y avait là ni auberge ni halle pour lui servir d’abri, aussi, déjà transpercé jusqu’aux os, dut-il, sautant lestement de selle et tirant après lui sa jument, courir se réfugier sous l’encorbellement d’une maison qui donnait l’impression d’écraser ses voisines. Ce n’était pourtant qu’une pauvre masure, bâtie en pierres jusqu’au premier étage seulement et dont le reste, fait de pisé armé de pans de bois, laissait, sous l’effet du ruissellement, fuser de longues coulées de sable.
    Tandis que la pluie, redoublant de violence, cinglait les murs à grands randons, il se plaqua tant qu’il put contre une porte inscrite dans une ogive maçonnée. Placé comme il l’était, il ne pouvait se soustraire au déversement d’un chenal percé qui avait aplati son tricorne dont la pointe rabaissée sur son front coulait lamentablement. Il frissonnait et, sentant ses habits qui commençaient à le serrer, il imaginait ses chairs qui se glissaient en s’étrécissant dans la peau d’un serpent.
    Ne pouvant supporter de demeurer ainsi transi, ni d’endurer plus longtemps le fouet coupant des rafales, il se résolut à entrer dans la maison qui paraissait inhabitée. Il poussa la porte, retenue par un simple loquet et pénétra dans une remise aux soupiraux bouchés par de la luzerne fraîche dont il huma avec ravissement le parfum entêtant. Après avoir examiné les lieux à tâtons et s’être cogné à plusieurs empilements de barriques, il entreprit de se dépouiller de ses vêtements que sa jument, en s’ébrouant, venait de finir d’asperger. Il tordit sa chemise et, avant de se déchausser, l’étendit sur un râteau en bois. Pour finir, il extirpa de sa sacoche du linge à peu près sec, puis une paire de ces courtes bottes, neuves encore mais dont la mode était passée,

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