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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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possible. »
     
    L'après-midi,
à l'hôpital, Rob s'arrêta avec les autres devant la couche d'un enfant
squelettique nommé Bilal. Un paysan à l'air résigné était assis à côté de lui.
    « Voilà
comment, dit al-Juzjani, la douleur d'entrailles peut vous sucer l'âme. Quel
âge a-t-il ? »
    Intimidé mais
flatté qu'on lui adresse la parole, le père baissa la tête.
    « C'est
sa neuvième année, seigneur.
    – Depuis quand
est-il malade ?
    – Deux
semaines. C'est le " mal de côté " qui a tué deux de ses
oncles et mon père. Une douleur terrible : ça vient, ça passe, ça revient...
Mais, depuis trois jours elle n'arrête pas. »
    L'infirmier,
pressé d'en finir, dit que l'enfant ne gardait rien et qu'on le nourrissait de
jus de fruits.
    « Examine-le,
Jesse. »
    Rob palpa
doucement tout le corps ; quand il approcha de l'estomac, l'enfant hurla.
Le ventre était souple à gauche et dur à droite ; le rectum irrité et
douloureux. Il remit la couverture et prit les deux petites mains. Le Chevalier
noir ricanait une fois de plus.
    « Va-t-il
mourir, seigneur ? demanda le père sans émoi.
    – Oui »,
dit Rob.
    Depuis son
retour de Chiraz, on ne souriait plus quand il prédisait la mort d'un malade.
Al-Juzjani ayant conseillé la lecture d'Aelus Cornélius Celsus à propos du mal
de côté, il alla, après la visite, demander l'ouvrage à la maison de la
Sagesse. Il apprit, fasciné, que Celsus ouvrait des cadavres humains pour en
savoir davantage ; il décrivait la maladie de Bilal comme une affection du
gros intestin, près du caecum, accompagnée d'inflammation et de douleur
violente dans la partie droite de l'abdomen.
    Sa lecture
finie, il retourna près de Bilal. Le père était parti et un sinistre mullah
récitait le Coran, perché au-dessus de l'enfant comme un grand corbeau. Rob
tira la paillasse loin du mullah. L'infirmier avait laissé trois grenades pour
le dîner du petit garçon ; il les prit et se mit à jongler comme
autrefois. Bilal, les yeux écarquillés, regardait voler les fruits.
    « Il nous
faut de la musique ! »
    Ne connaissant
aucune chanson persane, il se rappela un petit refrain galant du Barbier :
     
    Tes yeux me
caressaient déjà,
    Maintenant
je suis dans tes bras...
    Aimons-nous
jusqu'à demain,
    Ne faisons
pas de vœux en vain !
     
    Ce n'était pas
une chanson convenable pour un enfant mourant, mais le mullah, indigné de ses
bouffonneries, se chargeait des prières ; et, comme personne ne comprenait
les paroles, la bienséance était respectée. Rob chantait encore quand Bilal eut
une dernière convulsion. Il lui ferma les yeux, le lava, peigna ses cheveux et
noua un linge pour retenir la mâchoire. Le mullah psalmodiait toujours, le
regard furieux, mêlant la prière et la haine. Il se plaindrait sans doute du
dhimmi sacrilège, mais son rapport ne dirait pas qu'avant de mourir Bilal avait
souri.
     
    Quatre nuits
sur sept, Wasif vint chercher Rob, qui restait dans la tour jusqu'aux premières
heures du matin. Despina lui donnait des leçons.
    « C'est
ton lingam , disait-elle en montrant son pénis, et voilà mon yoni  »
    Elle les
trouvait faits l'un pour l'autre.
    « Un
homme peut être un lièvre, un taureau ou un cheval. Tu es un taureau. Une femme
est une biche, une jument ou une éléphante, et je suis une biche. C'est
parfait. Un lièvre aurait du mal à donner de la joie à une éléphante »,
ajoutait-elle sans rire.
    Elle faisait
des choses qui lui rappelaient les dessins qu'il avait achetés au maidan, sans
compter celles qui n'y figuraient pas. Il s'amusait au début de découvrir
toutes ces pratiques et leurs noms persans, mais il s'insurgea quand elle
prétendit lui enseigner, pour remplacer ses grognements, les sons qu'il fallait
émettre au moment du plaisir.
    « Tu ne
peux pas te laisser aller et baiser simplement ? C'est pire que d'étudier
le Fiqh !
    – Mais c’est
encore mieux quand on a appris ! »
    Il resta
insensible à ses reproches. Et puis il avait décidé qu'il préférait les femmes
non épilées.
    « Ton
vieux mari ne te suffit pas ?
    – Autrefois
oui. Sa virilité était célèbre, il aimait le vin, les femmes : il aurait
fait l'amour à un serpent – femelle, bien sûr –, mais il ne m'a pas touchée
depuis deux ans. Depuis qu'elle est malade. »
    Il l'avait épousée
quand elle avait douze ans. Fille d'esclave, elle lui avait appartenu toute sa
vie.
    Rob effleura
l'anneau de sa narine,

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