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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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n'aurait pas été mieux traité s'il avait été
de la guilde.
    « C'était
ton père ? » chuchota une vieille femme.
    Il hésita puis
trouva plus simple d'acquiescer en silence ; elle soupira et lui toucha le
bras.
    Après la
messe, il s'approcha de l'autel, s'agenouilla et fit un signe de croix comme
Mam le lui avait appris autrefois. Le prêtre traversa l'église, éteignit les
cierges et le laissa seul. Il resta là, sans faim ni soif, inconscient du temps
qui passait. Enfin, surpris d'entendre sonner matines, il se leva titubant, fit
quelques pas dehors, se soulagea sous un arbre, puis revint se laver les mains
et le visage dans le seau près de la porte de l'église, tandis que s'achevait
l'office de minuit.
    Alors, seul de
nouveau dans l'obscurité, il se rappela comment le Barbier lui avait sauvé la
vie, à Londres, quand il était enfant ; sa gentillesse et son égoïsme, sa
patience et sa cruauté ; le plaisir qu'il prenait à préparer les
repas ; ses colères et ses bons conseils, son rire et sa cordialité ;
son ivrognerie. Entre eux, ce n'était pas de l'amour, mais quelque chose qui en
tenait lieu et, comme l'aube jetait sur le visage de cire une lueur grise, Rob
pleura amèrement, et pas seulement sur Henry Croft.
    On enterra le
Barbier après laudes. Le prêtre ne s'attarda guère devant la tombe.
    – Vous pouvez
la recouvrir », dit-il à Rob et, tandis que le sable et les graviers
résonnaient sur le bois du cercueil, on l'entendit marmonner en latin à propos
de la Résurrection promise.
    Comme il
l'aurait fait pour les siens, et se rappelant ses tombes perdues, Rob paya le
prêtre pour faire graver une pierre, en précisant ce qu'il y fallait
mettre :
     
    Henry Croft
    Barbier-chirurgien
    Mort le 11 juillet 1030
     
    « Peut-être : Requiescat in pace  ? » demanda le prêtre.
    La seule
épitaphe qui venait à l'esprit de Rob, c'était Carpe diem , « Jouis
de chaque jour ». Pourtant... Rob sourit, et le prêtre fut bien surpris.
Mais le terrible jeune homme avait payé la pierre. Devant son insistance, il
dut écrire soigneusement : «  Fumum vendidi , J'ai vendu de la
fumée ».
    Le Barbier
aurait-il sa pierre ? Qui s'en souciait à La Croix-d'Aire ?
    « Je
reviendrai voir si tout a été fait comme il faut », dit-il.
    Le regard du
prêtre se voila un instant.
    « Dieu
vous protège », dit-il sèchement avant de rentrer dans l'église.
    Las et affamé,
Rob revint au bosquet de saules où il avait laissé ses biens. Tout était là,
intact. Quand il eut rechargé la charrette, il s'assit sur l'herbe pour
manger ; le reste du pâté s'était gâté mais il restait un pain rassis que
le Barbier avait cuit quatre jours plus tôt.
    « Je suis
l'héritier, se dit-il. C'est mon cheval et ma charrette. »
    Le Barbier lui
avait laissé les instruments et les méthodes, les fourrures râpées, les balles
à jongler et les tours de magie, la poudre aux yeux et la fumée, le choix des
itinéraires pour tous les jours à venir.
    La première
chose qu'il entreprit fut de sortir les flacons de la cuvée spéciale et de les
briser un par en les jetant contre un rocher. Il vendrait les armes du
Barbier : les siennes étaient meilleures. Mais il suspendit à son cou la
corne saxonne. Puis il grimpa sur la charrette et s'assit à la place du
conducteur, droit et solennel, comme sur un trône, songeant qu'il allait
peut-être, à son tour, se chercher un apprenti.

19. UNE FEMME SUR LA ROUTE

 
    Il alla, ainsi qu'ils l'avaient toujours fait, « se promenant dans un monde
neuf », comme disait le Barbier. Les premiers jours, il ne put se décider
à décharger le chariot ni à donner un spectacle. A Lincoln, il prit un repas
chaud à la taverne et se nourrit du pain et du fromage que d'autres avaient
préparés. Il ne buvait pas. Le soir, il s'asseyait près de son feu et se
sentait terriblement seul. Il attendait quelque chose mais rien ne
venait ; puis il finit par comprendre qu'il lui fallait vivre sa vie.
    A Stafford, il
décida de se remettre au travail, Cheval dressa les oreilles en piaffant dès
qu'il battit le tambour sur la place. Ce fut comme s'il avait toujours été
seul. Les gens ignoraient qu'un vieil homme aurait dû donner le signal des
jongleries et raconter de bonnes histoires. Ils recouraient, riaient,
admiraient ses portraits, achetaient son médicament et faisaient la queue pour
être soignés.
    En prenant les
mains des patients, il s'aperçut que son don

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