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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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C’est votre mère, Chrestienne
de Zamet. Elle est ! Elle est...

 
42.
     
     
    Un an plus
tard, presque jour pour jour  – le 5 avril 1675  –, Louis-Henri
pleure au pied du lit de Marie-Christine dans le couvent de Charonne à Paris.
Sa fille à l’agonie l’observe :
    — Ils ne
sont pas à votre taille, vos habits, papa.
    — Quand
dans les Pyrénées j’ai appris ton état de santé, comme vêtements de rechange
j’ai vite fourré dans les fontes de mon cheval ceux que ta mère m’avait
envoyés. Elle les a choisis trop petits. Je ne sais pas à qui elle pensait...
    Montespan, en
culotte de soie trop courte et bas roses pas assez longs, avance vers la tête
du lit, genoux à l’air. Au moment de s’asseoir, son pourpoint, auquel il manque
plusieurs tailles, le coince aux épaules et le bas des manches lui arrive à la
moitié des avant-bras :
    — Veux-tu
jouer avec moi à cache-cache mitoulas ? Tu sais, ce jeu où il faut deviner
quel est l’objet caché dans les habits de quelqu’un de compagnie.
    — Papa,
votre chemise vous serre tellement que je le vois. C’est un livre.
    — Oui, mais
pas n’importe quel livre, fait le père en déboutonnant sa liquette afin de
sortir le recueil. C’est un conte destiné aux jeunes filles qui a pour
titre : Le soupir d’une puce conservé dans un pépin de groseille. Ça
raconte le soupir d’une puce... qui est conservé... dans un pépin de
groseille ! Bouh !... éclate-t-il en larmes. Pardonne-moi, fait-il en
essayant de se reprendre mais, Marie-Christine, depuis des jours je tremble de
la tête jusqu’aux pieds, je n’ai plus l’usage de raison, je ne dors point ;
et si je dors, je me réveille avec des sursauts qui sont pires que de ne pas
dormir. Vis, mon enfant !
    En cette fin
de journée, des bougies sur la table de nuit éclairent les verrières
polychromes de la chambre de couvent où le corps de Marie-Christine, à la
respiration régulière, soulève doucement sa chemise de nuit au col en dentelle
de Valenciennes.
    On croirait
voir la Vierge Marie sur la paille d’une étable tandis que, près d’animaux,
elle attend une délivrance. On dirait que l’âne et le bœuf soufflent sur sa
chemise.
    — Mais
quel est son mal ? demande le père à un médecin debout de l’autre côté du
lit.
    — Je
nomme sa douleur à la tête rhumatisme des membranes. Depuis qu’elle est ici,
elle maigrit et sans plaintes, sans pleurs, quitte doucement le monde malgré le
sirop de vie, l’eau céleste, les tisanes de santé, le clystère pour rafraîchir
le ventre avec de l’eau et du lait. Ces derniers jours, elle est étonnée,
accablée, elle a des vomissements, ce sont des indices.
    Dans les
dortoirs de Charonne, des personnes gémissent et à demi mortes cherchent du
secours dans la chaleur bouillante de ce puits chrétien.
    — L’an
dernier, ma mère s’est éteinte en grand souci de sa petite-fille, raconte
Montespan. Son testament a trahi une sollicitude inquiète pour le sort de cette
enfant. Malgré cinq cent mille livres de dettes qui ont fait que j’ai dû
renoncer à son héritage, elle a pris soin d’assurer sinon le bonheur, du moins
la paix et la sécurité de Marie-Christine, ordonné qu’elle soit conduite au
couvent avec Dorothée pour gouvernante.
    La fille de
Mme Larivière, à droite du médecin, baisse les yeux vers le sol.
    — ... Et
cela pour beaucoup de considérations que je ne puis exprimer, cite
Louis-Henri. Elle a réglé par le détail les conditions d’existence de ma fille
 – chambre particulière, bois de chauffage, accès à l’infirmerie... - et
lui a accordé les sommes nécessaires pour un futur mariage ou une prise de
voile, mais tout cela c’était écrire sur le sable... J’ai envoyé une lettre à
ma femme pour la prévenir. Est-elle passée la voir ?
    — On a
alerté les deux parents de la petite, rappelle une religieuse à gauche du
médecin. Mais si, vous, affolé par sa fièvre et son affaiblissement avez jugé
opportun de vous précipiter, terrifié à l’idée de perdre votre fille, on n’a
pas vu la marquise...
    — Le mois
dernier, soupire Marie-Christine, en revenant de prendre les eaux à
Bourbon-l’Archambault, dans un bateau peint et doré, damassé de rouge avec
mille banderoles de France, elle s’est arrêtée à Moulins pour visiter Louis-Antoine
quelques minutes dans son pensionnat de jésuites.
    — Ah bon,
s’étonne son père, mais comment le

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