Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
l’aspect duquel nous retrouvons le monstre
serpentiforme Gelô, et un certain Scythes, éponyme du peuple des Scythes.
Car nous sommes en Scythie, et c’est le pays de la nymphe
Ora dont nous parle Rabelais, et qui « avait pareillement le corps
mi-partie en femme et en andouille. Elle, toutefois, tant sembla belle à
Jupiter qu’il coucha avec elle et en eut un beau fils ». Ces détails
mythologiques, semés à travers le texte de Rabelais, ne sont pas des
coïncidences : tout l’épisode des andouilles, dans le Quart Livre , tourne autour du thème des monstres
serpentiformes. Et cela fait également penser aux Gorgones de la tradition
grecque, qui résident en extrême Occident, au pays de la nuit, non loin du
royaume des Morts, là où jamais ne luit le soleil, comme dans le pays des
Cimmériens décrit par Homère. Les têtes des Gorgones, étaient entourées de
serpents. Leurs bouches étaient pourvues de dents analogues à celles des
sangliers. Leurs cous étaient protégés par d’immenses écailles. Et elles
pouvaient voler grâce à leurs ailes d’or. On sait aussi que leur regard leur
permettait de changer en pierres tous ceux qui rencontraient le rayonnement de
leurs yeux. C’est d’ailleurs en se servant de son bouclier comme miroir que le
héros Persée put tuer l’une d’entre elles, la célèbre Méduse. Et il n’est pas
besoin de beaucoup d’imagination pour voir dans Persée vainqueur de la gorgone
Méduse le prototype mythologique de saint Michel vainqueur du Dragon. D’ailleurs,
les Gorgones sont des Dragons si l’on se réfère à la description que l’on nous
en donne.
Une autre tradition grecque se rapporte à ce thème du Dragon,
celle de Lamia. Lamia était une très belle jeune fille de Libye, dont le père
était le roi Belos et la mère Lybia. Cette Lamia avait été aimée par Zeus, et
Héra en avait conçu une telle jalousie que chaque fois que Lamia donnait
naissance à un enfant, elle s’efforçait de le faire périr. Seule Scylla – qui
est ici fille de Lamia et non d’Echidna – échappa à ce funeste sort. Mais Lamia,
dans son désespoir, alla se cacher dans une profonde caverne où elle prit la
forme d’un monstre, sortant la nuit pour aller ravir et dévorer les enfants des
autres femmes plus heureuses qu’elle. Toujours poursuivie par la malédiction d’Héra
qui l’avait privée de sommeil, elle implora Zeus, lequel lui octroya le don de
pouvoir déposer ses yeux dans un vase pendant la nuit. Quand elle n’avait pas
ses yeux, on n’avait rien à craindre d’elle.
Cette histoire rappelle évidemment toutes les traditions populaires
au sujet des vouivres , ces femmes-serpents qui
errent dans les forêts et qui s’endorment près des fontaines. On raconte qu’elles
portent dans leur tête une escarboucle ou une pierre précieuse quelconque. Quand
elles dorment, elles déposent l’escarboucle à côté d’elles, et c’est le moment
qu’attendent les audacieux pour aller la dérober. Mais malheur à eux si la
vouivre se réveille avant qu’ils ne se soient emparés de la pierre précieuse et
lumineuse. Quand les vouivres se penchent sur les fontaines pour boire, elles
déposent également leur escarboucle, et l’on peut alors essayer de la leur
ravir, à condition d’être vif et silencieux. Qui peut s’emparer de cette
escarboucle possède alors non seulement la richesse, mais aussi la sécurité.
La vouivre est un
personnage bien connu des traditions populaires. Le nom provient d’un mot latin vipera (donc l’équivalent du grec echidna ), lui-même d’origine germanique. Elle
apparaît également, dans les textes médiévaux, sous la forme guivre , et les églises du Moyen Âge, surtout à l’époque
du gothique fantastique, sont remplies de représentations de cette « serpente »
aux allures sulfureuses. « On voyait jadis dans les forêts du pays de
Luchon de grands serpents qui avaient une pierre brillante sur la tête ; ces
serpents, fort rares, allaient très vite en faisant un grand bruit. Si on
parvenait à en tuer un, on s’emparait de la pierre qui était un talisman très
précieux. La vouivre qui hantait autrefois les forêts du mont Bleuchin n’avait
pas, comme ses congénères, un diamant, mais elle était fort redoutée ; de
crainte de la rencontrer, on n’osait les traverser de nuit, et même on l’appréhendait
pendant le jour. Un sire de Moustier parvint enfin à lui percer le cœur, après
une lutte
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