Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
Dieu, et surtout, ce
qui est d’une importance exceptionnelle, investie d’un Libre Arbitre absolu lui
permettant de faire un choix entre ce qu’on nomme improprement le Bien et le
Mal, cette liberté expliquant et justifiant la tradition quelque peu brumeuse
qui concerne une « chute des Anges », à vrai dire problématique car
non certifiée par les textes canoniques hébraïques ou chrétiens.
Cette qualité d’entité individuelle qu’on reconnaît à l’Ange
n’empêche pas de considérer, comme le dira plus tard saint Jean Chrysostome, que
« l’air est tout entier rempli d’anges ». Les Anges forment en effet
une multitude dans les zones intermédiaires du monde subtil. Et si, parfois
encore, l’ Ange du Seigneur n’est que la
manifestation du Verbe de Dieu, les Anges forment de célestes cohortes qui, par
leur action offensive ou défensive, contribuent à l’équilibre et à l’harmonie
du Cosmos dont ils sont en quelque sorte les garants. Les spéculations
théologiques insisteront sur le double mouvement des Anges, une descente de
Dieu vers la Création, et une montée de la Création vers Dieu, mouvement
analogue à une grande respiration qui serait celle de l’univers poursuivant le
cycle éternel de l’involution et de l’évolution. Mais, concrètement parlant, dans
l’optique chrétienne la plus répandue, le double mouvement angélique se résume
à peu de chose : transmission des messages et des volontés de Dieu aux
hommes, et prières des hommes vers Dieu par l’intercession des Anges, dans le
cadre d’un culte qui va connaître un certain succès dès le haut Moyen Âge.
C’est ce besoin de concret qui provoque les apparitions et
le culte des Anges. Dans certains cas, on va même vers une description précise
de ces personnages au demeurant plongés dans une atmosphère toujours
énigmatique où le seul élément qui soit incontestablement dominant est la blancheur symbolique ou réelle de leur vêtement. Certes,
Matthieu (I, 20 et II, 19) en reste encore à une vague entité qui ne se
manifeste même pas corporellement, puisque « l’Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph ». Mais, plus loin dans
Matthieu (IV, II), ainsi que dans Marc (I, 13), on en arrive au matériel :
après que Jésus a jeûné au désert, et après qu’il a repoussé le Tentateur,
« des Anges s’approchèrent, et ils le servaient ». Il s’agit évidemment
de nourriture et de boisson, ce qui suppose une corporalité pour les Anges. Cet
aspect humain est mis en évidence dans l’Évangile de Luc lorsque l’Ange du
Seigneur apparaît à Zacharie (I, II), lorsque l’Ange reconnu comme Gabriel est
envoyé dans une ville de Galilée (I, 26) et qu’il engage le célèbre dialogue
avec Marie (I, 26-38), enfin lorsque les Bergers sont guidés vers l’étable (II,
9). D’après le contexte, d’après l’attitude des interlocuteurs de l’Ange, il
apparaît clairement que rien ne différencie l’Ange d’un homme ordinaire. Cela
est conforme au passage de la Genèse (XVIII et
XIX), quand deux Anges viennent à Sodome et sont reçus chez Loth, excitant la
concupiscence des habitants de la ville qui assiègent la maison pour les réclamer
à Loth. Celui-ci refuse, mais propose curieusement ses deux filles encore
vierges à leur place. On peut seulement prétendre que ces deux Anges, manifestés
sous forme humaine masculine, devaient être particulièrement beaux.
La beauté est, en effet, avec la lumière, la caractéristique
de l’Ange qui se révèle aux humains. Toujours dans l’Évangile de Luc (XXIV, 4),
lorsque les saintes Femmes, le matin de Pâques, se présentent au tombeau de
Jésus, « deux hommes se tinrent devant elles, en habit éblouissant ».
Chez Marc (XVI, 5), ces mêmes Femmes voient « un jeune homme assis à
droite, vêtu d’une robe blanche ». Matthieu est plus précis (XXVIII, 2) :
« Et voici qu’il se fit un grand tremblement de terre. L’Ange du Seigneur
descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s’assit. Il avait l’aspect
de l’éclair, et sa robe était blanche comme neige. À sa vue, les gardes
tressaillirent d’effroi et devinrent comme morts. » Ici, tout en ayant
forme humaine, l’Ange est mis en relation avec la foudre et apparaît donc comme
surnaturel. Jean (XX, II), dont le témoignage reste probablement le plus fiable,
se contente de présenter Marie de Magdala « près du tombeau, au-dehors, tout
en pleurs.
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