Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
ouverte aux spéculations sur le rôle des
Anges, mais d’emblée on considérait que ce rôle ne pouvait être que cosmique, répondant
à un besoin d’équilibre et d’harmonie. Selon Jean Chrysostome, Dieu n’avait
aucunement besoin des Anges pour lui-même : étant omnipotent, Dieu se
passe de tout service, et c’est à l’intention de l’homme qu’il a créé les Anges,
pour que l’homme ne soit pas isolé dans le cosmos. Les Anges représentent alors
l’amour de Dieu pour sa création.
Saint Augustin ira plus loin en intégrant la notion de connaissance
au concept de l’Ange. Pour l’évêque d’Hippone, les six jours de la création, telle
qu’elle est décrite dans la Genèse , sont des « jours
d’Ange ». Et chacun de ces « jours d’Ange » correspond à un
accomplissement dans la connaissance en trois moments fondamentaux qui sont la « clarté
du jour », le soir et le matin. Dans la « clarté du jour », l’Ange
« saisit les choses dans le Verbe de Dieu avant leur création », c’est-à-dire
qu’il atteint la révélation des desseins de Dieu pour les choses à venir. Le
soir, l’Ange « atteint les choses dans le Verbe, avant la création »,
c’est-à-dire contemple le réel immédiat. Le matin, l’Ange voit les choses en
elles-mêmes, c’est-à-dire qu’il atteint, selon le mot de saint Augustin, l’ illumination . D’où la conviction profonde que les
Anges ont été créés le deuxième jour, en même temps que la lumière, la notion
de lumière et celle d’Ange se confondant absolument. Cette théorie, toute
mystique et subtile qu’elle soit, insiste néanmoins sur les rapports étroits
qui peuvent exister entre « illumination » et « connaissance ».
L’être humain, comme l’être angélique, se doit de parvenir à un degré supérieur
de contemplation du divin, et de cette contemplation naîtra la connaissance des
mystères ineffables de Dieu. Et, par conséquent, les Anges sont les guides des
humains vers cette connaissance, puisqu’ils sont, grâce à leur nature plus
spirituelle, déjà à un degré supérieur d’illumination par rapport aux créatures
humaines.
Mais c’est le pseudo-Denys l’Aréopagite qui a exprimé avec
le plus de puissance, au cours du VI e siècle,
la vision du rôle et de l’activité des Anges dans le monde intermédiaire entre
le ciel et la terre. Alors apparaît l’idée d’une hiérarchie
céleste dont la hiérarchie terrestre (celle
de l’Église) est un reflet encore imparfait, mais qui doit parvenir à la
perfection. Cette hiérarchie céleste, qui concerne les Anges, est trinitaire, les
Anges se répartissant en trois grands ordres formés chacun de trois chœurs. Les
chiffres sont évidemment symboliques, le ternaire étant à l’image de Dieu (la
Trinité) et les neuf chœurs des Anges constituant la réalisation du ternaire, autrement
dit l’accomplissement. N’oublions pas que, dans la tradition hermétique, le personnage
symbolique d’Hermès Trismégiste, figure empruntée au divin messager des Dieux, connaisseur
des secrets du monde spirituel, est, selon son surnom, le « Trois fois
très Grand », ce qui correspond au chiffre neuf. De là naîtront de nombreuses
théories dites numérologiques, et qui, bien souvent, se trouveront imprégnées
de Gnose et de philosophies orientales. Denys l’Aréopagite ne va pas jusque-là :
il se contente d’assigner aux Anges un cadre hiérarchique comportant des degrés
qui correspondent à des fonctions, un peu comme dans les soi-disant
polythéismes où les figures divines ne sont que des représentations socialisées
et fonctionnelles d’une divinité unique et incommunicable en elle-même.
Pour cet étrange pseudo-Denys, l’ordre angélique supérieur
est « celui qui fait cercle autour de Dieu ». Il comprend les Séraphins,
les Chérubins et les Trônes. Les Séraphins sont les animateurs du « mouvement
perpétuel autour des secrets divins ». Ils participent à l’ardeur
bouillonnante des hautes sphères et détiennent le « pouvoir de purifier
par la foudre et le feu ». Les Chérubins sont des « effusions de
sagesse », et « l’aptitude à connaître et à contempler Dieu »
les caractérise. Quant aux Trônes, par leur refus de tout ce qui est vil et bas,
ils représentent l’approche de la rigueur divine dans sa plénitude.
Le second ordre comprend les Dominations, les Vertus et les
Puissances. Cet ordre, dans la
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