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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Et
enfin, il combattait le Taureau, incarnation des forces
noires dont il récupérait le sang, c’est-à-dire l’essence même, pour le
répandre sur ses adorateurs. Personnage divin lumineux et combattant, Mithra
présente beaucoup d’analogies avec le Christ, et avec Michel. Il valait mieux
affirmer le dogme trinitaire et renvoyer l’angélologie aux pratiques
secondaires du culte.
    Il y avait aussi le nom mystérieux de Michel. Dans tous les
textes latins, il est transcrit par Quis ut Deus .
Mais cette transcription pose bien des problèmes. De nombreux commentateurs
traduisent en effet la phrase par « qui est comme Dieu », [31] ce qui est un non-sens absolu : le quis latin n’a jamais été un pronom relatif (c’est qui ),
mais un pronom interrogatif (qui ?), ou encore la forme abrégée du pronom
indéfini aliquis signifiant « quelqu’un »
mais servant souvent d’équivalent au français « on ». Il est
impossible de traduire le Quis ut Deus autrement que par Qui est comme Dieu ? ou
par On est comme Dieu . La théologie officielle
chrétienne a choisi la solution interrogative : Michel pose éternellement
la question : « Qui est comme Dieu ? », et se présente
ainsi en révélateur de la Lumière, de la Vérité, de la Justice. Et c’est un des
rôles que l’iconographie a privilégié, aussi bien dans son combat contre le
Dragon que dans la « Pesée des Âmes », où on le voit présider au
Jugement et, bien souvent, fausser la pesée en ajoutant le poids de son épée
dans le plateau de l’âme pour contrebalancer les efforts du Diable sur l’autre
plateau [32] . Mais que serait-il
advenu si l’on avait choisi la solution indéfinie : « On est comme
Dieu » ? C’était la porte ouverte au panthéisme. Car, à ce moment-là,
le rôle de l’Archange Michel était de mettre en
lumière une stupéfiante réalité : l’être
humain est comme Dieu . Et cela donnait raison au Serpent de la Genèse qui invitait Ève à manger du fruit défendu
pour « être comme des Dieux ». Il y a là quelque chose d’infiniment
trouble, et qui n’a jamais été vraiment résolu.
    L’origine du culte de saint Michel se situe dans la mouvance
égyptienne, répétons-le, avec ses influences hellénistiques et gnostiques. C’est
une réalité. Mais cette réalité en masque une autre : le culte de l’Archange
s’est très vite répandu en Occident, notamment parmi les Chrétientés celtiques
qui ont contribué à le fixer et parfois à l’enrichir d’éléments nouveaux. C’est
dire que si le personnage de Michel doit beaucoup à l’Église copte – laquelle a
eu une incontestable influence sur le monachisme celtique –, il doit peut-être
encore plus à des conceptions entièrement différentes, encore en honneur dans
les pays soumis autrefois à la pensée des Druides celtes, et qui n’ont plus
rien à voir ni avec le judéo-christianisme, ni avec la Gnose, ni avec les
philosophies hellénistiques. La charnière, répétons-le également, se trouve
dans le texte même de l’ Apocalypse attribué à
Jean : « saint » Michel y apparaît non seulement comme un Archange
de Lumière, mais comme l’ archistrategos (le « général
en chef ») des armées angéliques fidèles à Dieu dans leur lutte contre les
armées non moins angéliques groupées autour de la figure horrible du Dragon, autrement
dit Satan, Lucifer, le Diable, Léviathan, pour ne pas dire Méduse, le Serpent
Pythôn, le Minotaure, le Taureau, Echidna, la Vouivre ou, par extension
contemporaine, le « Monstre du Loch-Ness ». Mais on pourrait tout
aussi bien parler de Prométhée, du géant Balor de la tradition irlandaise, des
Géants de la mythologie germano-scandinave, de l’Ahriman persan, du Corsolt des
Chansons de Geste, de l’Anguipéde des figurations gauloises, du monstre Vritra
que combat Indra, du Tiamat babylonien que combat Mardouk, du Yam cananéen que
poursuit Baal, du monstre des profondeurs que combat le Dieu des Vents, du
grand Serpent crêté d’Irlande que combat Tristan ou du Géant que le roi Arthur
a beaucoup de mal à vaincre sur l’îlot de Tombelaine. Car les théogonies se
prolongent dans la littérature épique et les traditions populaires orales. À travers
des expressions diverses et spécifiques au climat socioculturel dans lequel
elles voient le jour, c’est toujours le même thème qui apparaît : un être
exceptionnel, porteur de Lumière, qui combat des forces

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